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pour les gnostiques, auxquels il rappelait l’ensemble des manifestations émanées du Dieu suprême. Les pierres d’abraxas portent, outre le mot abraxas, diverses figures fantastiques, têtes de lion, de coq, d’éléphant, de serpent, etc. Quelques-unes présentent les deux lettres a et o, ou le mot iau, qui désigne la divinité. Les pierres d’abraxas sont nombreuses dans les cabinets d’antiques en Europe ; elles proviennent, dit-on, de la Syrie, de l’Égypte et de l’Espagne. Il est probable qu’un grand nombre de ces pierres furent fabriquées au moyen âge pour servir de talismans ou pour être employées dans les opérations de magie et d’alchimie.

ABRAXOÏDE adj. (a-brak-so-i-de — de abraxas, et du gr. eidos, forme). Se dit des pierres d’abraxas : Pierre abraxoïde.

ABRAZITE s. f. (a-bra-zi-te — de l’allemand abrazit), Minér. Substance pierreuse, blanche, composée de silice, d’alumine et de chaux. Elle cristallise en prismes droits rectangulaires, donne de l’eau par la calcination, se fond avec boursouflement au feu en verre bulleux, est soluble dans les acides et raye difficilement le verre. On trouve ce minéral près de Giessen, dans la Hesse-Darmstadt ; à Dumbarton, en Écosse, et dans les laves anciennes, à Capo-di-Bone, en Italie. On l’appelle aussi gismondine.

ABRE s. m. (a-bre — du gr. abros, tendre, mou). Bot. Traduction française du mot abrus. V. ce mot.

ABRÉE s. m. (a-bré — du gr. abros, élégant). Entom. Genre d’insectes coléoptères pentamères, famille des clavicornes, tribu des hystérides. Il a pour type l’hyster globosus, qui se trouve aux environs de Paris.

ABRÉGÉ, ÉE (a-bré-jé) part. pass. du v. Abréger. Diminué, réduit à une moindre étendue, à une moindre durée : Un discours abrégé. Une histoire abrégée. L’exemple, vous le savez, est la voie abrégée de la persuasion. (Mass.) Le long chemin pouvait être abrégé et facilité. (Fén.) Je ne vous ai donné qu’un plan très-abrégé de mon poëme. (Volt.) Combien nos jours ne sont-ils pas abrégés par les excès ! (L.-J. Larcher.)

ABRÉGÉ s. m. (a-bré-jé). Écrit, discours dans lequel on expose d’une manière succincte ce qui a été ou pourrait être dit avec plus de détails : Tout abrégé d’un bon livre est un sot abrégé. (Montaig.) Vos abrégés sont longs au dernier point. (J.-B. Rouss.) L’ouvrage de Paterculus est le modèle des abrégés. (Beauzée.)

— Mot dont on a retranché quelques lettres, pour que l’écriture soit plus rapide et occupe moins d’espace : Il est malaisé de déchiffrer les abrégés qui sont dans les bulles et les signatures de la cour de Rome.

— Par anal. Réduction, raccourci : L’homme est un abrégé des merveilles de l’univers. (Acad.) L’abrégé de la loi, c’est la charité. (Boss.) L’amour est la plénitude et l’abrégé de toute la loi. (Port-Royal.) Nos jardins sont l’abrégé de la campagne. (Marmontel.) Pardonnez-moi, madame, repartit-elle, effrontément : c’est un sujet accompli, un abrégé de toutes les vertus. (Le Sage.)

— Mus. Mécanisme qui, dans l’orgue, transmet aux soupapes des sommiers respectifs le mouvement des touches du clavier.

En abrégé, loc. adv. En peu de mots : Contez-moi la chose en abrégé. (Acad.) Je ne dis ces choses qu’en abrégé ; elles sont assez expliquées ailleurs. (Boss.) Je ne vous dis ceci qu’en abrégé. (Patru.)

— Fig. : Si vous vouliez bien quereller en abrégé, mon petit mari, je vous en aurais bien de l’obligation. (Danc.) || Sommairement : On ne doit et l’on ne peut traiter l’histoire générale qu’en abrégé. (Girard.) || Par abréviation, avec des signes abréviatifs : Écrire un mot en abrégé.

— Fig. En petit, en raccourci : La conscience est tout un monde en petit, l’univers en abrégé. (V. Cousin.) Toutes ces petites choses de femme veulent être faites oisivement, à la longue, non en abrégé. (Michelet.)

Syn. Abrégé, analyse, extrait, précis, raccourci, résumé, sommaire. L’abrégé est un livre qui en reproduit un autre dans de moindres dimensions. Le sommaire est l’indication préliminaire des principales choses contenues dans un livre, dans un chapitre, à la tête duquel il se place. Le précis est un abrégé dans lequel on ne trouve rien de superflu. Le résumé est un abrégé mis à la fin d’un ouvrage en forme de conclusion. Le raccourci est l’imitation ou la réduction d’un ouvrage plus étendu : L’Iliade et l’Odyssée sont deux grands tableaux, dont l’Enéide est le raccourci. (Roll.) L’extrait est ou un morceau détaché, ou un recueil de morceaux détachés. L’analyse est une exposition raisonnée du but, du plan, de l’ordonnance et de la méthode d’un ouvrage.

Abrégé de l’histoire romaine, ou Epitome, est l’ouvrage le plus remarquable que nous aient laissé les écrivains latins de second ordre, et a placé Florus au rang des historiens distingués. Moins pur sous le rapport du style que les ouvrages du siècle d’Auguste, il rachète ce défaut par la netteté des appréciations, la richesse des détails et surtout la rapidité de la narration ; c’est ainsi que la conjuration de Catilina est racontée en deux pages sans qu’aucun fait essentiel soit oublié. Le sujet du livre est l’histoire de la formation de l’empire romain. Considérant le peuple romain comme un individu, il le conduit depuis l’enfance jusqu’à l’âge mûr, et nous montre, à l’époque même de sa plus grande force, les causes et les premiers symptômes de sa décadence : il s’arrête au moment où Auguste ferme le temple de Janus.

Certains critiques ont prétendu que le style de Florus dégénère en puérilité : c’est une accusation portée trop légèrement. Des savants modernes ont montré plus d’indulgence. Voici comment l’un d’eux s’est exprimé : « Il est difficile de lire quelque chose de plus agréable que ce charmant ouvrage. Tout y est d’une élégance admirable. Je m’étonne d’y rencontrer autant de finesse et de concision, et j’admire comment, dans un cadre aussi étroit, le plus grand intérêt se trouve toujours uni à la plus grande variété. »

La première édition de cet ouvrage fut imprimée à Paris vers 1470 ou 1471. Les meilleures sont celles d’Elzévir (1688, in-12) ; de Grævius, cum notis variorum (1702, 2 tomes en un vol. in-8o) ; et de Mme Dacier, ad usum Delphini (1674, in-4o). Lamothe Le Vayer fils l’a traduit en français sous le nom de Monsieur, frère de Louis XIV (en 1656, in-4o, et en 1670, in-8o).

ABRÉGEANT (a-bré-jan) part. prés. du v. Abréger : On croit qu’il expose les troupes ; il les ménage en abrégeant le temps des périls par la vigueur des attaques. (Boss.)

Puisse une prompte mort, abrégeant ma misère,
Épargner à mon cœur ces tableaux douloureux !
Delille.

ABRÈGEMENT s. m. (a-bré-je-man — rad. abréger). Action d’abréger ; résultat de cette action : La correction et l’abrègement de cet ouvrage ont demandé plus de temps que sa composition. Le bon chevalier le pria de vouloir bien pour un peu le laisser penser à sa conscience, car de l’ôter de là ne serait que l’abrègement de sa vie. (Le Loyal Serviteur, xvie siècle.) Le plus grand abrègement que l’on puisse trouver dans l’enseignement des sciences est de ne s’appliquer jamais à la recherche de tout ce qui est au-dessus de nous. (Port-Royal.)

— Se dit, en versification, de l’action de rendre brève une syllabe longue : C’est ainsi que rôle ne pourra rimer avec folle, à moins d’un abrègement, qui aura lieu en prononçant rolle. (Ackermann.)

ABRÉGÉMENT adv. (a-bré-jé-man — rad. abréger). D’une manière abrégée. Vieux mot.

ABRÉGER v. a. ou tr. (a-bré-jé — du lat. abreviare ; rad. brevis, bref ; ancienn., on disait abrévier. — Ce verbe conserve l’é fermé dans toute sa conjugaison ; le g doit être suivi d’un e muet devant a ou o : Nous abrégeons, il abrégeait, il abrégea, etc.). Rendre plus court, diminuer. S’applique au temps et à l’espace : Abréger les délais. La vapeur abrége les distances. Cette traverse abrége le chemin. (Trév.) Ah ! quel tourment, quel supplice que l’incertitude ! Chaque instant d’attente abrége ma vie. (Scribe.) Dieu n’abrége les jours de la vertu sur la terre que pour les allonger dans le ciel. (Chateaub.)

Cours par un prompt trépas abréger ton supplice.
Racine.
Un fils a de son père abrégé la vieillesse !
C. Delavigne.
Tu sentiras l’ennui miner tes tristes jours,
Si l’affreux désespoir m’en abrége le cours.
Collin d’Harleville.

— S’applique aux discours, aux ouvrages dont on réduit la longueur, l’étendue : Tacite abrégeait tout, parce qu’il voyait tout. (Montesq.)

— Fig. Faire paraître moins long : Le plaisir abrége les heures ; l’ennui les compte. (Saurin.) Ils chantent, et par le chant ils abrégent les heures trop lentes. (Gresset.)

Mille heureux passe-temps abrégent la soirée.
Delille.
Suis-je seul, elle accourt ; suis-je un peu las, sa main,
M’offrant un doux appui, m’abrége le chemin.
C. Delavigne.

— Absol. : Prenez ce chemin, il abrége. (Acad.) Vous êtes trop long, abrégez. (Trév.) J’abrége, de peur d’ennuyer. (Chaban.)

Pour abréger, pour couper court, pour n’en pas dire davantage : Pour abréger, elle arrive saine et sauve au delà du labyrinthe. (La Font.) Voilà, pour abréger, le dénoûment de cette première intrigue. (Hamilt.) Pour abréger, je passe sous silence les autres usages et les superstitions des Groenlandais. (Buff.)

Pour abréger, la chose s’exécute
Comme Richard s’était imaginé.
La Fontaine.

— Jurispr. féod. Abréger un fief, Le démembrer, en amortir une partie.

S’abréger, v. pr. Être abrégé, devenir plus court ; diminuer : La vie, déjà raccourcie, s’abrège encore par les violences qui s’introduisent dans le genre humain. (Boss.) Bientôt les querelles sont vives et fréquentes, les brouilleries longues, les raccommodements froids, les rendez-vous s’éloignent, les tête-à-tête s’abrégent ; toutes les larmes sont amères. (Desmahis.)

Comment de nos soleils l’inégale clarté
S’abrége dans l’hiver, se prolonge en été.
Delille.

— En parlant des personnes, Abréger son propre ouvrage : Il semble que, rigoureusement parlant, il n’appartiendrait qu’à l’auteur lui-même de s’abréger. (Encycl.)

Syn. Abréger, accourcir, raccourcir. Raccourcir, c’est accourcir trop, jusqu’à rendre la chose incomplète. Accourcir, c’est en diminuer la longueur. Abréger, c’est la resserrer davantage.

Antonymes. Agrandir, ajouter à, allonger, amplifier, augmenter, compléter, développer, étendre, paraphraser, prolonger.

ABRÉGEUR s. m. (a-bré-jeur — rad. abréger). Celui qui abrége : Quel expéditeur de causes, quel abrégeur de procès ! (Rabelais.) Vieux mot, qu’abréviateur ne saurait remplacer.

ABRENUNTIO (a-bré-non-si-o). Mot. lat. qui signifie Je renonce, ou plutôt J’y renonce. S’empl. fam. pour faire entendre qu’on désespère de pouvoir faire une chose : Essayez de déchiffrer ce griffonnage ; quant à moi, abrenuntio.

ABREUVAGE s. m. (a-breu-va-je — rad. abreuver). Action d’abreuver : À ce que dessus, pour les prairies d’ abreuvage, ne sera autre chose ajoutée que l’eau, etc. (Olivier de Serres.) L’abreuvage de ces chevaux demandera beaucoup d’eau. (Legoarant.)

ABREUVANT (a-breu-van) part. prés. du v. Abreuver : Rebecca, abreuvant les chameaux d’Abraham, devint épouse de son fils. (S. François de Sales.) Les sommets des hautes montagnes ont en tout temps des glaces et des neiges qui sont la source des rivières, et qui, abreuvant les pâturages, les rendent plus fertiles. (Fén.)

— S’empl. aussi pronominalem. : Quoi de plus simple que des vaches s’abreuvant à une mare ? (Th. Gaut.)

ABREUVÉ, ÉE (a-breu-vé) part. pass. du v. Abreuver : Il faut que les chevaux soient abreuvés plusieurs fois par jour. (Buff.)

— Par ext. Humecté, arrosé, imprégné : Les cèdres du Liban que vous avez plantés seront abreuvés de la rosée du ciel. (Mass.) En Égypte, où il ne pleut presque jamais, la terre est abreuvée par les débordements du Nil. (B. de St-P.) L’ouvrier y plonge avec les mains un ou plusieurs écheveaux abreuvés d’eau, c’est-à-dire totalement imprégnés de ce liquide. (J. Girardin.)

— Très souvent, il s’empl. par plaisanterie pour Enivré : Vous serez bien payés, encore mieux abreuvés. (La Chaussée.) Il venait souper chez moi tous les soirs quelques-uns des principaux commis des bureaux du ministreJe leur faisais très-bonne chère, et les renvoyais toujours bien abreuvés. (Le Sage.) || Se dit aussi de l’estomac : Comment s’étonner si, après de pareils écots, se sentant l’estomac mal abreuvé et mal rassasié, les écoliers couraient à la taverne et y passaient leurs journées de vacances, s’y grisant pour toute la semaine ? (Francisque Michel.)

— Fig. Accablé, chargé : Être abreuvé de dégoûts. Le meilleur des rois, la plus vertueuse des reines étaient abreuvés de calomnies vomies par le parti philosophique, en langage des halles ! (E. Sue.) || Imprégné, rempli : Sa langue abreuvée de fiel et de vinaigre. (Boss.)

La France est par leurs mains de son sang abreuvée.
La Harpe.
Monstre nourri de sang, cœur abreuvé de fiel.
J.-B. Rousseau.
Si dans le sang l’offense était toujours lavée,
Bientôt la terre entière en serait abreuvée.
Desmahis.

— Pathol. On dit d’une plaie molle et humide qu’Elle est abreuvée de pus.

ABREUVEMENT s. m. (a-breu-ve-man — rad. abreuver). Action d’abreuver les animaux domestiques : L’abreuvement des chevaux. On risque de causer des ruptures ou la pousse, si l’on fait courir l’animal aussitôt après l’abreuvement.

ABREUVER v. a. ou tr. (a-breu-vé — bas lat. abeverare ; formé de ad, à ; bibere, boire). Faire boire les animaux domestiques, les mener à l’abreuvoir : Elle est active, adroite, vigoureuse, conduit les chevaux, les panse, abreuve, étrille. (Volt.) Là les jeunes filles venaient chercher de l’eau pour le ménage, et les jeunes gens venaient abreuver leurs troupeaux. (J.-J. Rouss.) Dans les pays secs, il fallut creuser des puits et ouvrir des canaux pour abreuver le bétail. (J.-J. Rouss.) Un autre muletier voulut aussi abreuver ses mulets. (Florian.)

— Avec un nom de chose pour sujet, Fournir d’eau : Les eaux bienfaisantes du Nil suffisent à tous les besoins des campagnes et des cités, abreuvent tous les animaux, toutes les plantes. (Michaud.)

Un torrent salutaire abreuve le Romain.
L. Racine.

— Par ext. Faire boire les personnes : Les puits qu’ils avaient creusés dans ces pays secs pour abreuver leur famille et leurs troupeaux. (Boss.) Mon vin, qui n’est pas malfaisant, abreuve mes domestiques. (Volt.) L’hôte se lassa d’abreuver tant de gosiers altérés. (Le Sage.) J’ordonnai qu’on apportât du vin pour abreuver la brigade. (Le Sage.) || Arroser : Les prés ont besoin qu’on les abreuve. La pluie a bien abreuvé les terres. (Acad.)

— Fig. Humecter, mouiller profondément : La nuit, seul dans sa couche nuptiale, il abreuvait son chevet de ses pleurs. (J.-J. Rouss.) Le moins blessé des deux conscrits soutenait son camarade, qui abreuvait le terrain de son sang. (Balz.)

Le cruel, d’une main semblait m’ouvrir le flanc,
Et, de l’autre, à longs traits, m’abreuver de son sang.
Crébillon.


|| Inonder, pénétrer : Les plantes, sortant de leur sommeil, élancent leurs tiges nouvelles vers l’astre bienfaisant qui les abreuve de ses rayons. (Lamenn.) || Remplir, accabler le cœur, l’âme : Abreuver quelqu’un d’outrages. Venez-vous encore m’abreuver de fiel et d’absinthe ? (Mass.) L’Espérance suspend l’homme à sa mamelle et l’abreuve d’un lait intarissable. (Chabeaub.)

L’infortune, en sa coupe amère,
L’abreuve d’affronts et de pleurs.
J.-B. Rousseau.

— Dans cette dernière acception, les poëtes l’ont quelquefois employé en bonne part :

… Dans la douce allégresse
Dont tu sais nous abreuver,
Nous puiserons la sagesse
Qu’il chercha sans la trouver.
J.-B. Rousseau.
Quand le plaisir, à grands coups m’abreuvant,
Gaiment m’assiége et derrière et devant,
Je suis vivant, bien vivant, très-vivant.
Béranger.


|| Dans certains arts, Étendre sur un fond poreux un corps gras quelconque pour en rendre la surface unie.

— Maçonn. Répandre de l’eau avec la truelle ou avec une brosse sur un vieux mur dégarni de son enduit, pour y attacher un nouvel enduit, ou sur l’aire d’un plancher qu’on a haché pour que le plâtre du nouveau carrelage fasse liaison avec cette aire.

— Agric. Abreuver les terres, Les arroser au moyen de fossés, de rigoles, de saignées qui y distribuent l’eau d’une manière égale ; ou les couvrir d’eau qu’on y laisse séjourner. Se dit particulièrement des prairies.

— Techn. Abreuver des tonneaux, des cuves, Les remplir d’eau, et, par ce moyen, faire gonfler le bois. || Abreuver un navire, Le remplir d’eau, lorsqu’il est construit, pour s’assurer qu’il n’existe pas de voies d’eau. Cette méthode est auj. abandonnée. || On abreuve aussi une pompe pour faciliter son jeu quand on va s’en servir.

S’abreuver, v. pr. Boire, se désaltérer, en parlant des animaux domestiques : C’est dans cette mare que les bestiaux du village s’abreuvent. (Acad.) Une vase desséchée et brûlante garde l’empreinte des pieds des chameaux et des chèvres qui s’y sont les derniers abreuvés. (Lamart.) Le chamois peut rester plusieurs jours sans s’abreuver.

Alors, près d’un canal, le pasteur vigilant,
Amène le troupeau qui s’abreuve en bélant.
Roucher.

— Boire beaucoup, en parlant des personnes : Il s’abreuve d’excellent vin. (Acad.) Allons, monsieur, abreuvons-nous de cette liqueur bienfaisante. (Le Sage.) Ce sont de bonnes filles qui se nourrissent d’échaudés et s’abreuvent de bière. (Th. Gaut.)

— Fig. : J’ai laissé mon cœur s’abreuver de délices. (Mass.) Souvenez-vous de ces riches sources, de ces sources immortelles, où vous vous êtes autrefois abreuvé des saintes eaux de la sagesse. (Patru.) Je m’abreuvais, pour ainsi dire, de la douceur de leurs regards. (Marmontel.) Je ne l’ai pas assez regardée hier, je ne me suis pas abreuvé de sa vue. (A. Karr.)

|| Poétiq. :

Le prêtre qui s’abreuve au flot de l’Évangile
Doit consoler notre âme en sa prison d’argile.
De Banville.
L’âme, heureusement captive,
Sous ton joug trouve la paix,
Et s’abreuve d’une eau vive
Qui ne s’épuise jamais.J.-B. Rousseau.

— Fig. S’abreuver de larmes, En verser beaucoup : Dans sa tristesse profonde, il s’abreuve de ses larmes. || En faire couler beaucoup : Il aime à punir, il aime à s’abreuver de larmes. (Marmontel.) || S’abreuver de fiel, Nourrir des sentiments haineux. || S’abreuver de sang, En répandre beaucoup : Les Mânes sont des dieux paisibles qui ne s’abreuvent pas de sang. (Ch. Nodier.) Les tyrans aiment à s’abreuver du sang de leurs sujets. (L.-J. Larcher.)

Être abreuvé :

…… Ce rivage affreux
S’abreuvait à regret de leur sang malheureux.
Voltaire.

ABREUVOIR s. m. (a-breu-voir — rad. abreuver). Lieu où l’on mène boire et se baigner les bestiaux et particulièrem. les chevaux : J’oublie de mener nos chevaux à l’abreuvoir. (Diderot.) Les barbares surtout qui vivent de leurs troupeaux ont besoin d’abreuvoirs communs. (J.-J. Rouss.)

— Par ext. Petit godet, verre, etc., où l’on met de l’eau pour les oiseaux renfermés dans des cages : Il regardait Édouard qui versait de l’encre dans l’abreuvoir des oiseaux. (Alex. Dumas.)

— Par anal. Cabaret :

De boire un coup il serait bon besoin.
— Eh ! morbleu ! détalez, l’abreuvoir n’est pas loin.
Montfleury.

— Prov. et popul. : Abreuvoir à mouches, Balafre, large plaie à la tête ou au visage : Il lui a fait un abreuvoir à mouches avec son sabre. (Acad.)

Quand Hercule, après maintes touches,
Lui fit un abreuvoir à mouches.Scarron