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servant de verres achromatiques, qui ont la propriété de dévier les rayons, tout en donnant à leur foyer des images incolores. V. Achromatisme.

ABERRER v. n. ou intr. (a-bèr-ré — du lat. ab, loin de, et de errer). Néol. Errer loin de, s’éloigner, s’écarter de, dévier.

ABESSI s. m. (a-bèss-si). Matière stercorale. || Espèce de burnous.

ABET s. m. (a-bè — du lat. abies, sapin). Bot. Nom vulgaire du sapin commun.

ABÊTI, IE (a-bè-ti) part. pass. du v. Abêtir. Rendu stupide : Un enfant abêti par les mauvais traitements. Être abêti par les superstitions. Il semblait que les ennemis du roi fussent aveuglés et abêtis. (Commines.) Combien ai-je vu, de mon temps, d’hommes abêtis par téméraire avidité de science ! (Montaigne.) Elle était si vulgaire d’esprit, si froide d’imagination et si dominée par sa mère, qu’elle en était abêtie. (G. Sand.) Cela fera bientôt de cette nation une nation abêtie. (Proudhon.)

ABÊTIR v. a. ou tr. (a-bè-tir — rad. bête). Fam. Rendre bête, stupide : Vous abêtirez cet enfant. Trop de jeunesse et trop de vieillesse empêchent l’esprit ; trop et trop peu d’instruction l’abêtissent. (Pasc.) Ils n’ont songé, s’écria le duc de Berry, qu’à m’abêtir et à étouffer tout ce que je pouvais être. (St-Simon.) Cette Circé abêtit la race humaine. (Virey.) Tout ce qui ravale les facultés élevées, tout ce qui abêtit l’humanité. (Virey.)

— Absol. : Le tabac énerve, affaiblit, abêtit. La paresse d’esprit abêtit. (Boiste.)

— Neutral. ou intransitiv. Devenir stupide : Il abêtit tous les jours. (Acad.)

S’abêtir, v. pr. Devenir stupide : Il s’abêtit de plus en plus. || Se dit aussi des choses : L’esprit s’abêtit dans l’oisiveté complète. (Littré.) La nation française s’abêtit dans son industrialisme. (Proudhon.)

Syn. Abêtir, rabêtir. Un maître abêtit l’enfant qui lui est confié, quand il laisse ses facultés se développer sans direction ; il le rabêtit si, toutes les fois que la raison de l’enfant fait quelques progrès, il en comprime, il en interrompt l’exercice naturel. On abêtit peu à peu, lentement. Je fus novice, on m’abêtit pendant deux ans. (Volt.) On rabêtit, quand le développement des facultés intellectuelles est combattu chaque fois qu’il se manifeste : À qui confierai-je mes faiblesses plutôt qu’à mon doyen, s’il daignait m’encourager, au lieu de me rabêtir, comme il fait toujours ? (Volt.)

ABÊTISSANT (a-bè-ti-san) part. prés. du v. Abêtir : Ils reçoivent, approuvent tout ce qui se présente et tout ce qui est en vogue, s’abêtissant et dégradant de cette façon. (Charron.)

ABÊTISSANT, ANTE adj. (a-bè-ti-san, an-te — rad. abêtir). Propre à abêtir ; qui peut rendre stupide : Rien n’est plus abêtissant qu’un pareil travail. Il y a des opinions abêtissantes, entre autres les opinions superstitieuses. (Ch. Nodier.)

ABÊTISSEMENT s. m. (a-bè-ti-se-man — rad. abêtir). Action d’abêtir, et résultat de cette action : L’abêtissement de cet enfant est dû aux mauvais traitements de ses parents.

— Par ext. Se dit de l’esprit, etc. : L’abêtissement de l’esprit, de la raison.

— Absol. : Le grand précepte de l’abêtissement est le dernier mot de la guerre de Pascal contre la raison. (Le Siècle.)

ABÉVACUATION s. f. (a-bé-va-ku-a-si-on — du lat. ab, prép. privat., et evacuatio, évacuation). Méd. Évacuation partielle, incomplète.

ABEZAN, juge d’Israël, succéda à Jephté et gouverna le peuple de 1237 à 1230 av. J.-C.

ABGAR, nom commun à plusieurs rois arméniens d’Edesse en Mésopotamie. Le plus connu vivait au temps de J.-C ; il adressa, dit-on, une lettre au Sauveur pour le prier de le guérir d’une lèpre dont il était affligé. Jésus lui aurait envoyé une réponse accompagnée de son portrait, et le disciple Thadée serait allé, après l’ascension de son maître, baptiser ce roi arménien. Ces faits, rapportés par Eusèbe, sont généralement considérés comme apocryphes.

ABHICHÉKA s. m. (a-bi-ché-ka). Cérémonie religieuse des Hindous, qui consiste à arroser quelqu’un avec l’eau du Gange. || Offrande de fruits, de pierres précieuses, etc., accompagnée d’eau ou d’un autre liquide.

ABHIDGIT s. m. (a-bid-ji). Sacrifice expiatoire, chez les Indous.

ABHIDHARMA s. m. (a-bi-dar-ma). La métaphysique bouddhiste.

AB HOC ET AB HAC (a-bo-ké-ta-bak — du lat. ab hoc, de celui-ci ; ab hac, de celle-là). Fam. Expression pittoresque, imitative, qui est une onomatopée et qui signifie Confusément, sans ordre, sans raison, au hasard, à tort et à travers : Les gens de justice prennent ab hoc et ab hac, à droite et à gauche. (H. Estienne.) Qu’on raisonne ab hoc et ab hac sur mon existence. (Fontenelle.) Je me suis hâté de vous faire ab hoc et ab hac mes petites observations, dans la crainte de les rendre plus tardives. (J.-J. Rouss.)

Parler ab hoc et ab hac, Parler sans ordre, sans raison, avoir une conversation décousue, incohérente :

Il se pendrait plutôt que de ne parler pas,
Mais ab hoc et ab hac, sans savoir bien la chose.
Th. Corneille.
Je pars en chantant ;
Un concert m’attend,
Je n’y reste qu’un instant.
J’entre au
Caveau,
Où, sur la guerre,
Buvant du scubac,
Prenant du tabac,
Je parle ab hoc et ab hac.    Désaugiers.
Sans honte, dis la vérité,
Ouvriras-tu chaque semaine
Le temple si peu respecté
De Thalie ou de Melpomène
À ce petit-maitre affecté,
Fat par penchant, sot par nature,
Qui, parlant ab hoc et ab hac,
Juge de la littérature
Comme d’un jabot et d’un frac ?
Millevoye.

— Cette locution peut aussi se placer après un nom, et s’employer adjectiv. :

Astruc avec Chirac
Vient de vider son sac
De raisons ab hoc et ab hac.Piron.

— On a dit aussi, sans doute pour la commodité du vers, et ab hoc et ab hac :

Il décide de tout et ab hoc et ab hac.
La Fontaine.

ABHORRANT (a-bor-ran) part. prés. du v. Abhorrer : Des hommes abhorrant leurs rivaux.

Abhorrant le péché, tu chéris la justice.
Godeau.
Désespéré, proscrit, abhorrant la lumière,
Je voudrais me venger de la nature entière.
Crébillon.

ABHORRANT s. m. (a-bor-ran). Hist. Nom donné en Angleterre aux royalistes, sous Charles II.

ABHORRÉ, ÉE (a-bor-ré) part. pass. du v. Abhorrer : Des rois, des princes abhorrés. Cet homme est méprisé, abhorré de tout ce qui l’environne. (Bourdal.) Néron, abhorré de ses sujets, succomba sous l’indignation générale. (Littré.)

Ces fureurs…………………
Étaient pourtant toujours de l’Église abhorrées.
Racine.
Ce pouvoir malheureux de moi-même abhorré.
Voltaire.
Pâles tyrans de ces lieux abhorrés.
J.-B. Rousseau.
……………Dans son sein abhorré
Que ne puis-je plonger un fer désespéré ?
Lamartine.

— Gramm. Est suivi tantôt de la prép. de, tantôt de la prép. par. V. Par.

ABHORRENT, ENTE adj. (a-bor-ran, an-te — du lat. abhorrere, avoir horreur). Qui fait horreur, qu’on doit abhorrer. Vieux mot : Chose griève, abhorrente et dénaturée, est périr en mer. (Rabelais.) Les sacrifices dont les Gaulois usoient étoient peut-être trop cruels et abhorrents d’une commune humanité. (Pasquier.)

ABHORRER v. a. ou tr. (a-bor-ré — du lat. abhorrere, fait de horrere ab, se hérisser à cause de). Avoir en horreur, exécrer, détester : Les honnêtes gens abhorrent les fripons. (Acad.) Peut-on trop abhorrer et trop mépriser des hommes qui ont tellement oublié l’humanité ! (Fén.) Tel que vous me voyez, j’ abhorre et Philippe et son ministre et son secrétaire d’État. (Népom. Lemercier.)

Trouverai-je partout un rival que j’abhorre ?
Racine.
Sauvez-moi du tourment d’être à ce que j’abhorre.
Molière.
On aime un bon plaisant, on abhorre un caustique.
Palissot.

|| Se dit aussi avec un compl. de chose, et marque alors une profonde antipathie, une répugnance excessive : Les animaux nés libres abhorrent la captivité et se brisent la tête contre les barreaux de leur prison. Un pays que j’ abhorrerais si vous ne l’habitiez point. (Mme  de Sév.) Un grand aime la Champagne, abhorre la Brie. (La Bruy.) Que je vais l’abhorrer, cette fatale intempérance ! (J.-J. Rouss.)

Ce qu’un jour il abhorre, en l’autre il le souhaite.
Boileau.
On déteste sa pièce, et chacun la déchire…
Ils ont beau l’abhorrer, je la trouve admirable
Boursault.

|| Dans le même sens, il peut avoir un nom de chose pour sujet : Toutes les expériences leur avaient toujours fait remarquer que la nature abhorrait le vide. (Pasc.) Le préjugé populaire abhorre, dans la petite vérole, la saignée et les médecines. (Volt.)

Pour un de ces tyrans que notre culte abhorre.
Voltaire.

|| Est quelquef. suivi d’un infinitif régi par la prép. de : Tout homme abhorre d’être pris pour dupe. (Bayle.)

S’abhorrer, v. pr. Avoir horreur de soi-même : Je m’abhorre et ne puis me supporter. (Fén.)

Je hais le monde entier, je m’abhorre moi-même.
Voltaire.
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m’abhorre encore plus que tu ne me déteste.
Racine.

|| Avec un nom de chose pour sujet : L’irreligion non-seulement se contredit, mais s’abhorre elle-même. (Bourdal.) || Réciproq. Se détester l’un l’autre : Les différentes sectes s’abhorrent et se condamnent mutuellement. (Claude.)

Syn. Abhorrer, détester, exécrer, haïr. Haïr ne fait supposer aucun motif particulier : Les hommes haïssent ceux qui les ont obligés, et cessent de haïr ceux qui leur ont fait des outrages. (La Rochef.) Détester marque une répulsion raisonnée : L’ingratitude de cet homme fait qu’on le déteste. (Acad.) Abhorrer exprime un sentiment d’aversion, souvent le résultat d’une antipathie instinctive, mais très-prononcée, ou un sentiment de dégoût et de répugnance insurmontable : Je me trouve presque semblable aux méchants, je me fais mon procès, je m’abhorre, je ne puis me supporter. (Fén.) Exécrer se dit de quelqu’un qui met le comble à nos maux par ses injustices et sa dureté : Vous le fites exécrer et maudire par les enfants en leurs prières. (Sat. Ménippée.)

ABIA, roi impie de Juda (958-55 av. J.-C). Son règne fut rempli par des guerres contre Jéroboam, qu’il vainquit dans une grande bataille.

ABIATHAR, grand prêtre des Juifs, exilé par Salomon pour avoir favorisé, après la mort de David, les prétentions d’Adonias au trône.

ABIB s. m. (a-bib). Le premier mois de l’année sacrée chez les Hébreux.

ABICHIRAS s. m. pl. (a-bi-chi-rass). Peuplade indienne de l’Amérique méridionale, dans la Colombie : Les abichiras vivent le long du haut Napo. (Encycl.)

ABIDA s. m. (a-bi-da). Une des principales divinités des Kalmouks.

ABIE s. f. (a-bi — du gr. abios, doux, frêle). Entom. Genre d’insectes hyménoptères, famille des tenthrédines.

ABIEN, IENNE adj. (a-bi-ain, ai-ne — rad. Abiens). Géogr. anc. Qui concerne les Abiens, qui a rapport aux Abiens : La population abienne. Les mœurs abiennes.

ABIENNEUR s. m. (a-bi-ènn-neur). Mot de l’anc. jurispr., tiré du celtique, et par lequel on désignait le dépositaire d’un bien saisi.

ABIENS s. m. pl. (a-bi-ain — du lat. abii). Géogr. anc. Peuple nomade de la Scythie, qui habitait sur les bords de l’Iaxarte, au N.-E. de la Sogdiane.

ABIES. s. f. (a-bi-ès — du lat. abies, sapin). Bot. Nom scientifique du sapin.

ABIÉTATE s. m. (a-bi-é-ta-te — du lat. abies, abietis, sapin). Chim. Nom générique des sels formés par la combinaison des diverses bases avec l’acide abiétique.

ABIÉTIN, INE adj. (a-bi-é-tain, ine — du lat. abies, abietis, sapin). Qui se rapporte au sapin.

ABIÉTINE s. f. (a-bi-é-ti-ne — du lat. abies, abietis, sapin). Chim. Nom donné par Caillot à une substance qu’il a trouvée dans les térébenthines de Strasbourg, du Canada et des Vosges, et qui cristallise en forme d’aiguilles, de pyramides plus ou moins allongées, qui se groupent en rosaces, en étoiles, etc. L’abiétine est sans odeur ni saveur, insoluble dans l’eau, soluble dans l’alcool, surtout bouillant, dans l’acide acétique concentré et dans l’éther.

ABIÉTINÉES s. f. pl. (a-bi-é-ti-né — du lat. abies, abietis, sapin). Bot. Tribu de plantes établie dans la famille des conifères. Le genre abies ou sapin en est le type et lui donne son nom. Les autres genres de cette tribu sont les pins, les épicéas, les mélèzes, les cèdres, les araucarias, etc.

ABIÉTIQUE adj. (a-bi-é-ti-ke — du lat. abies, abietis, sapin). Chim. Se dit d’un acide qui est une résine soluble, et qui se trouve dans les térébenthines.

ABIGAÏL, épouse du riche Nabal, qui avait repoussé David fugitif. Elle calma les ressentiments du roi, qui l’épousa après la mort de Nabal (1060 av. J.-C).

ABIGÉAT s. m. (a-bi-jé-a — du lat. abigere, chasser devant soi). Anc. dr. crim. Délit de celui, qui détourne les troupeaux d’autrui pour se les approprier. Enlever un animal de menu bétail était un vol simple ; mais enlever un cheval ou un bœuf, qu’on ne peut porter, mais qu’il faut faire marcher devant soi, était un abigéat. Cette distinction n’était admise que dans le droit romain.

ABIGOTI, IE adj. (a-bi-go-ti — rad. bigot). Devenu bigot, rendu bigot : Ce moine ayant donc été reçu du roi, comme étoient les moines de cet esprit abigoti, il reçut sa lettre étant à la chaise percée. (D’Aubigné.) Vieux mot.

ABIJIRAS s. m. pl. (a-bi-ji-ra), Géogr. Peuple indigène de l’Amérique méridionale, voisin du fleuve des Amazones.

ABILDGAARD (Nicolas-Abraham), peintre danois, né à Copenhague, en 1774, m. en 1809. On l’avait surnommé le Raphaël du Nord. On remarque parmi ses tableaux : Philoctète blessé et Jupiter pesant la destinée des hommes. Mais ses plus beaux ouvrages ont été détruits dans l’incendie du palais de Christianbourg, en 1701. — Un célèbre naturaliste danois du xviiie siècle a aussi porté ce nom.

ABILDGAARD s. m. (a-bild-ga-ar — du nom d’un naturaliste danois). Ichthyol. Nom donné à un poisson d’Amérique.

ABILDGAARDIE s. f. (a-bild-ga-ar-di — d’Abildgaard, n. pr.). Bot. Genre de plantes de la famille des cypéracées ; toutes les espèces sont exotiques, et habitent, pour la plupart, les régions tropicales.

ABILLOT s. m. (a-bi-io). Navig. Bûche d’environ huit pouces de tour, dont on se sert pour rassembler les coupons des trains de bois.

ABIMALIC s. m. (a-bi-ma-lik — nom de l’auteur d’une grammaire de cette langue). Langue des Berbères.

ABÎMANT (a-bi-man) part. prés. du v. Abîmer : L’orateur sacré leur montra Dieu abîmant Sodome et Gomorrhe. Une personne s’abîmant dans sa douleur.

ABÎME s. m. (a-bî-me — du gr. a priv., sans ; bussos, fond. On a écrit autref. abysme, puis abyme, et cet emploi de l’y grec était plus conforme à l’étymologie ; mais cette simplification orthographique est un des caractères du génie de la langue française. V. le mot asile, qui est dans le même cas). Gouffre excessivement profond : Le terrain s’abaisse et ouvre un abîme. (Fén.)

Montagnes, couvrez-moi ; terre, ouvre tes abîmes.
Racine.

|| Particulièrem. Le fond de la mer : La mer semblait se dérober sous le navire et nous précipiter dans l’abîme. (Fén.) Divisant les eaux de la mer Rouge, pour les faire passer au milieu des abîmes où leurs ennemis devaient être submergés… (Bourdal.) Prends en pitié les malheureux épars sur cette rive ; ne te suffit-il pas de leur avoir montré le fond des abîmes ? (Diderot.) Il y a des abîmes sous l’eau qui dort. (G. Sand.)

Quoi ! pour noyer les Grecs et leurs mille vaisseaux,
Mer, tu n’ouvriras pas des abîmes nouveaux !
Racine.
Chantons les vastes flots ! leur abîme sonore
Retient captifs tous ses échos.A. Barbier.

|| Par ext. Masse d’une étendue immense, infinie : Nous vivons plongés dans des abîmes d’air, comme les poissons dans des abîmes d’eau. (Fén.) || L’enfer, dans le langage de la Bible ou de la mythologie : Les anges rebelles ont été précipités dans l’abîme. (Acad.) Il s’élèvera autour de vous comme un cri lamentable des peuples précipités dans l’abîme. (Boss.) N’êtes-vous pas effrayés en vous représentant les abîmes éternels ouverts sous vos pieds ? (Mass.) Ce qui consterna davantage Télémaque, ce fut de voir dans cet abîme de ténèbres et de maux un grand nombre de rois. (Fén.)

Ton œil, comme Satan, a mesuré l’abîme.
Lamartine.
Ô mon fils, vous voyez les portes de l’abîme
Creusé par la justice, habité par le crime.
Voltaire.

|| Le chaos primitif, la confusion qui précéda la création du monde : L’esprit de Dieu était porté sur l’abîme. || Les immenses profondeurs de la terre où, suivant la Bible, Dieu rassembla les eaux, le troisième jour de la création. || La vaste étendue d’eau que Dieu, suivant la Bible, précipita du firmament où elle était amassée, et qui engloutit le genre humain.

— Fig. Profondeur sans limites ; ce qui est porté à un degré extrême : Chers frères, en quel abîme d’erreurs tombez-vous ! (Boss.) Mon âme se flétrit et se resserre, en envisageant cet affreux abîme de l’oubli, où tout va si rapidement s’engloutir. (D’Alemb.) Dans l’abîme de son ignorance et de sa misère, cette nation dédaignait tout commerce avec les étrangers. (Volt.) En vain, prêtant une oreille attentive, je cherche à saisir quelques sons pour me diriger à travers cet abîme de silence. (Chateaub.) Vous vous rappelez de quelle hauteur la France tomba dans l’abîme de Février. (L. Faucher.) La plus complète jouissance du fini laisse encore un infini dans l’abîme du désir. (Michelet.) La vanité de la femme est un abîme où l’on se perd. (Mme  de Girardin.) || Ce qui est impénétrable à la raison : Les jugements de Dieu sont des abîmes. (Acad.) Elle prend l’essor et va se perdre dans l’abîme des grandeurs et des perfections de Dieu. (Fléch.) L’infini est l’abîme du raisonnement. (Girard) Nous avons vu cet abîme où la raison se perd. (Laurentie.)

Tous les cœurs sont cachés, tout homme est un abîme.
Voltaire

|| Excès, dernier degré d’une chose malheureuse : Tomber dans un abîme de malheurs, de misère. (Acad.) Il fut plongé tout à coup dans un abîme d’amertume. (Boss.) C’est toi qui m’as tirée d’une douce et profonde paix, pour me précipiter dans un abîme de malheurs. (Fén.) Dans l’abîme de maux où je suis submergé. (J.-J. Rouss.) || Dangers, périls ; ce qui peut entraîner notre ruine, notre perte : L’impiété se creuse elle-même un abîme sans fond. (Fén.) Chaque chute creuse sous vos pas de nouveaux abîmes. (Boss.) On tombe d’abîme en abîme. (Volt.)

Tu vois dans quel abîme il s’est précipité.
L. Racine.
Il faut couvrir de fleurs l’abîme où je l’entraîne.
Voltaire.

|| Le temps, parce que le temps est comme un gouffre où tout s’engloutit, où tout tombe, d’où rien ne sort : Les jours, les mois, les années s’enfoncent et se perdent sans retour dans l’abîme des temps. (La Bruy.) Une rapidité, que rien n’arrête, entraîne tout dans les abîmes de l’éternité. (Mass.) Ils trouvaient