Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/93

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et toute une théorie de turbulents petits Hainault saluant, midi et soir, d’un joyeux brouhaha, son retour du bureau.

Hélas ! ce n’était là qu’un rêve ! Le réveil le rappela à la réalité et à sa cruelle indécision. Irait-il, n’irait-il pas ? Ah ! cette lettre ! cette m… lettre ! (Pieux confrères de la congrégation des Jeunes Gens, votre Préfet a dit : « Cette m… lettre ! » et lui ne s’est pas servi de points de suspension !)

— Monsieur Gendron, demandait, deux heures plus tard, notre ami à son patron, je ne vous ai jamais fatigué de mes réclamations, je ne me souviens pas vous avoir une seule fois demandé une augmentation de salaire depuis que je suis à votre emploi et vous semblez être satisfait de mes services ; de mon côté je suis pleinement satisfait de ma condition. Mais si un jour je faisais une folie, si je me mariais, pourrais-je compter sur un relèvement de salaire suffisant, pour subvenir au surcroît de dépenses que m’occasionnerait mon nouvel état de vie ?

— Comment ? Vous, vous marier ! Ah ! ah ! ah ! c’est trop drôle, ma foi !

— Et pourquoi pas ? Suis-je tellement décrépit ?

— Loin de moi cette idée, bien loin de moi ; vous êtes au contraire dans la force de l’âge et remarquablement doué pour faire un excellent mari ; mais je vous avais toujours cru insensible à ce genre de danger… vous m’avez toujours semblé le type parfait du célibataire de vocation.

— Enfin, si ce malheur m’arrivait ?

— Comment, ce malheur ! Mais, mon pauvre ami, ce serait au contraire la plus belle action de votre vie. Vieux garçon, ce n’est pas un état dans la vie, mon cher Paul, c’est une existence vaine et stérile. Nous, les hommes mariés, nous taquinons très souvent nos épouses sur leurs extravagances, leur coquetterie, les petites misères qu’elles nous font endurer de temps en temps, et dont