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76 —Vous ! vous... bégayait elle en mettant entre elle et lui la méridienne. Alors Alban remarqua que l’honune avait disparu. Il avança encore vers la méridienne derrière laquelle toute tremblante, toute livide, se tenait LA PETITE MODISTE. —Vipère ! criait-il. —•Monsieur ! que faites-vous ici, dans mon atelier ? —Inlidèle ! rugit Alban fou de jalousie. —Monsieur, vous êtes ivre ! —Ivre de folie ?... Oui, j’ai la folie de tuer ! —Alors, vous êtes un cambrioleur ? —J’eusse peut-être cambriolé ton coeur, s’il eût été pur ! —Je vais appeler la police ! —Pourquoi n’appelez-vous pas votre amant ? —Monsieur,vous empiétez ... —N’estcce pas l’autre qui empiète, après vos serments d’hier ? Parlez ! —Je ne sais pas ce que vous voulez dire ! —Non ? —Je ne vous connais pas ! —Alors vous voulez me faire passer pour un fou ? —Je commence à penser que vous fêtes effectivement ! —Ah bien, par exemple... Alban éclata de rire...d’un rire qui tremblait de folie. —Sais-tu, ma petite, fit il avec sarcasme, qu’on ne me fait pas voir la paille pour l’épi ? —Que voulez-vous dire ? —Tu me connais..je te connais... tu m’as aimé... —Je vous ai aimé ? —Et moi je t’aime encore ! Là est-ce qu’on s’entend ? —Jamais sur ce terrain ! —’Non ? Eh bien ! sur un aurtc.. Viens ici ! —Allez vous en ! Après que je t’aurai dit un mot ou deux ! —Allez vous en de suite, sinon... —Sinon ? —J’appelle.. .je vous l’ai dit ! —Ah ! prends grade ! —C’est à vous de prendre garde ! —Nous allons voir ça... Le reporter marcha ferme vers la méridienne et voulut l’écarter. Il s’aperçut qu’il n’était pas le plus fort : LA PETITE MO-DISTE la maintenait de ses deux mains crispées au dossier. Alors il étendit les bras par dessus 1 ? dossier. La jeune femme lui souffleta la joue gauche . Alban hurla, sauta sur la méridienne l’enjamba. Mais LA PETITE MODISTE n’était plus là Et quami le reporter se retourna, la cherchant du regard, il se trouva face à face avec le colosse à barbe noire et à moustache rouge. —Ah ça ! mon mignonê, te voilà encore mêlé à mes affaires ? Mais sais-tu <iue tu deviens très fâcheux, très embêtant ? Alban, avec un juron, se jeta sur l’honune. Un coup de poing sous le menton envoya le reporter rouler près du guéridon. Ivre de fureur, Alban se releva. Dans ce mouvement il aperçut le revolver à une demi portée de bras. Il saisit l’arme, la bra (pi a... Un cri de terreur retentit.. .il y eut une ruée... deux bras s’enroulèrent autour de son cou. — Malheureux, ne tire pas ! C’était LA PETITE MODISTE. Mais il était trop tard : Alban venait de presser la détente. Le coup partit, éclata strident et le jeune fou vit dans un nuage de fumée le colosse tomber ! En même temps aussi LA PETITE MODIS TE lui arrachait l’arme fumante des mains et la jetait quelque part. Alban, dans sa cri se furieuse, ne put voir où l’arme alla tom ber. Qu’importe ! il avait maintenant la rage de tuer ! Il n’était pius un homme... il était un monstre un fauve de sang altéré ! 11 se rua sur la jeune femme, la saisit à la gorge et rugit : —A toi, maintenant, sorcière ! II renversa la jeune femme sous lui, serra la frêle gorge ! Et il ricanait ! Il éprouvait une jouis sauce atroce dans la torture qun’il faisait en durer à cette belle jeune femme qui l’avait trompé ! Il se vengeait à la fin ...et avec quel elséieldsc !i“ quelles délices ! LA PETITE MODISTE était livide ses lè vres étaient bleues, ses yeux désorbités ! Elle étouffait.. .elle râlait ! Alban serrait toujours plus fort... H écumait. . .il jurait.. .il riait.. .il était tout à fait fou ! Sur une machine à coudre, à portée de sa main, son regard tomba sur une paire de ciseaux. Sa main droite s’en empara. Il ne parlait plus, mais il riait d’un rire de démon ! Il leva les ciseaux, comme un bandit lève le poignard meurtrier. La jeune femme ferma les yeux. Et l’arme descendit. .conduite par la main du jeune forcené... Que se passa t-il ensuite ? Alban n’eût pu le dire ! Il lui sembla qu’il était aveuglé par un dé luge de sang... Il se redressa dans un bond le bête aux abbois... puis dans un dernier rica nement, il s’abattit aux pieds de sa victime. VU LENDEMAIN Alban Huel se réveilla en sursaut. Il frotta ses yeux bouffis, regarda autour de lui avec étonnement. Où était il encore ? Cette chambre étrangère, sommairemen meublée ! Ce lit sur lequel il était étendu tout ha billé ! Cette lampe à gaz attachée au mur blan chi de chaux ! Etait il encore chez LA PETITE MODIS TE ?