Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/35

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui a pour théâtre l’âme toute seule et lame tout entière, sentiment, intelligence, imagination, sensation même ; dans la poésie lyrique, en un mot, la nature prend forcément la parole, parce qu’il y a en nous une multitude de pensées, d’émotions, d’aspirations dont la parole humaine ne trouverait pas l’expression, l£ forme visible, si cette forme ne leur était offerte par le langage de la nature. Ce besoin nouveau de mettre en jeu les facultés lyriques de la nature, de la forcer à parler elle-même, s’est introduit dans la poésie moderne à mesure que s’introduisaient dans les âmes des sentiments nouveaux plus complexes, et si l’on veut plus vagues et plus subtils, mais vrais, profonds, et qui par conséquent avaient aussi le droit de s’exprimer ; pour s’exprimer sur le mode lyrique, ils étaient forcés de choisir leurs instruments là où ils se trouvent, c’est-à-dire dans la nature. Selon quelles proportions, et dans quel partage avec la voix humaine, cet orchestre doit-il concourir avec elle ? voilà toute la question. L’auteur n’ose se flatter d’avoir rencontré cette juste mesure ; s’il l’a dépassée, il s’en accuse comme d’une faute, mais d’une faute qui ne préjuge rien contre le droit.

Faute bien involontaire, car nul n’a redouté plus que nous d’attenter par la poésie à l’activité, à l’initiative, à la liberté de l’âme, à la prédominance de l’élément moral ; nul n’a désiré plus ardemment aider par ses écrits à toutes les nobles aspirations et susciter les esprits vers une sphère supérieure à celle des