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une juste mesure, restent un des droits, une des nécessités de la poésie. On nous a blâmé, par exemple, comme d’une hérésie personnelle, de donner des voix aux objets de la nature, de faire parler les plantes, les animaux, les éléments. C’est là une licence poétique aussi vieille que le monde. Sans remonter jusqu’aux roseaux phrygiens du roi Midas, les roseaux français eux-mêmes n’ont scandalisé personne en dialoguant avec les chênes dans la comédie aux cent actes divers de noire grand fabuliste. Et cependant cette poésie fait exprimer par les objets de la nature les sentiments les plus exclusivement humains, comme l’égoïsme calculé, le scepticisme et l’ironie. Pourquoi n’admet-on pas que la nature reçoive aussi la parole dans un ordre de compositions où les voix qu’on lui attribue ne font qu’exprimer les modes généraux de la sensibilité, les harmonies de la vie morale et de la vie extérieure, les rapports de toute forme visible à une idée dans la création ; en un mol, ce qui fait toute la signification, toute la poésie de la nature ?

Une accusation plus considérable et plus fondée, en apparence, contre cette idée d’attribuer des voix aux puissances de la nature, c’est d’amoindrir singulièrement l’importance de l’homme : « L’homme, une fois devenu l’égal des choses, il est très-difficile d’intéresser en racontant ses joies et ses douleurs. » Mais on n’a pas assez remarqué que le poëte ne fait jamais parler les objets de la nature pour le