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Et j’omets tout un jour de vous rendre mon culte,
Vous l’hôte de mon cœur, vous d’hier endormi !

Les bruits humains font taire en moi le saint murmure
De votre esprit qui souffle et qui veut me parler,
Et la foule tarit sous son haleine impure
Chaque larme aussitôt qu’elle cherche à couler.

Mais à peine ai-je fui tout seul vers la campagne,
Et trouvé la nature et vu le jour vermeil ;
Sitôt que je respire une odeur de montagne,
Et que Dieu dans mon âme entre avec le soleil ;

Sitôt que l’infini se fait dans ma pensée,
J’y revois, près du Dieu que je viens adorer,
Votre ombre lumineuse un instant éclipsée
M’appeler, me sourire ; et je puis vous pleurer.

Tout alors, fleur qui s’ouvre et rayon qui s’allume,
Arbres, flots exhalant un soupir triste et doux,
Sillons où court la brise et toit lointain qui fume,
Tout semble s’animer et se peupler de vous.

Les cimes des forêts d’un bruit large inondées,
Les buissons fourmillant de chansons et de cris,
En écho tour à tour redisent les idées
Dont votre âme féconde emplissait nos esprits.

Aux êtres vous parliez dans leur langue divine ;
Vous les sentiez tous vivre ; ils vous sentaient rêver :
Car vous aviez l’amour qui voit ou qui devine,
Et leurs secrets accords, vous les saviez trouver.

Tout se réfléchissait dans votre âme profonde ;
Torrent, fleuve et ruisseau, tout vous payait tribut :
Vous deviez promptement épuiser tout un monde,
Et toucher dans un autre à l’invisible but.