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Nous rend en fruits, en ombre, en murmure, en parfum,
Tous les sucs nourriciers pris au trésor commun.

Des pâtres du désert l’existence hardie,
L’air généreux des monts par qui l’âme est grandie,
De la vierge rêveuse écartant la langueur
Ont doué son beau corps d’une saine vigueur ;
À la voir des torrents fendre l’onde avec grâce,
Du cerf à pas égaux suivre en jouant la trace,
Et courber l’herbe à peine, et glisser sur le sol,.
On dirait qu’un esprit l’emporte dans son vol,
Comme un flocon de plume errant sur une grève,
Ou le duvet des fleurs que notre souffle enlève :
Car, frêle d’apparence et svelte comme un lis,
L’enfant aux regards fiers de pudeur embellis,
A dans ses traits, malgré sa force et sa souplesse,
Le charme insinuant qui pare la faiblesse.

Dieu la fit pour les bois et pour la liberté ;
Nos arts et nos plaisirs, elle a tout rejeté ;
Jamais ses pas légers, qui semblent une danse,
Sur un rhythme prescrit n’ont réglé leur cadence,
Et la corde sonore, inconnue à ses doigts,
Jamais d’un seul accord n’accompagna sa voix.
Les divines chansons à sa lèvre échappées
Ruisselaient comme l’eau des neiges escarpées,
Son cœur pour les verser les engendrait en lui,
Sa voix n’eut pas d’échos pour les chansons d’autrui,
Comme, après elle aussi, jamais ni voix, ni lyre,
Des airs qu’elle trouvait n’ont rien pu nous redire.

Elle grandit ainsi, se mêlant aux oiseaux,
S’assimilant l’esprit des plantes et des eaux,
Inattentive à l’homme, ayant une famille
Partout où la nature et végète et fourmille.