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Des vertus en son cœur sème avec soin les germes ;
L’autre sur le gazon soutient ses pieds plus fermes ;
Elle courut bientôt comme un jeune chevreuil.
La nature, inquiète et la suivant de l’œil,
Lui cachant les douleurs d’où plus tard naît le doute,
Rien qu’en leçons d’amour abondait sur sa route ;
Et l’enfant, par chaque être au bonheur invité,
Respirait de partout la vie et la beauté.

Mais, comme les sapins qui vivent Sur les cimes
Nourris de la rosée et des neiges sublimes,
Et ces herbes sans nom, et ces fleurs du haut lieu,
Et ces jardins jamais arrosés que par Dieu,
Son cœur, ayant racine au sein de la nature,
Refusait des mortels la savante culture,
Et le langage humain à sa bouche inconnu
Jusqu’à son âme encor n’était pas parvenu.
Elle comprenait bien tout ce que peuvent dire
L’accent qui vient du cœur, les soupirs, le sourire ;
Ses lèvres des oiseaux recevant les leçons,
Répétaient des accords appris de leurs chansons ;
Sa voix se répandait en des murmures vagues
Comme les bruits touffus des feuilles et des vagues ;
Il semblait que ces sons, de nous tous incompris,
Autour d’elle évoquaient d’invisibles esprits.
Les hommes exceptés, sans avoir eu de maître,
Elle savait parler dans sa langue à chaque être.
Et sa mère pleurait de n’avoir pas encor
D’un seul mot prononcé recueilli le trésor :
Car des lèvres d’un fils la syllabe première
Coule comme le miel dans le cœur d’une mère.
Or, celle d’Hermia bien des jours attendit
La douceur de son nom par son enfant redit.
Déjà grande et pensive, aux travaux de famille