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Tandis que tu gémis sur cet arbre en ruines,
Mille germes là-bas, déposés en secret,
Sous le regard de Dieu, veillent dans ces collines,
Tout prêts à s’élancer en vivante forêt.

Nos fils pourront aimer et rêver sous leurs dômes ;
Le poète adorer la nature et chanter :
Dans l’ombreux labyrinthe où tu vois des fantômes,
Un idéal plus pur viendra les visiter.

Croissez sur nos débris, croissez, forêts nouvelles !
Sur vos jeunes bourgeons nous verserons nos pleurs ;
D’avance je vous vois, plus fortes et plus belles,
Faire un plus doux ombrage à des hôtes meilleurs.

Vous n’abriterez plus de sanglants sacrifices ;
L’âge emporte les dieux ennemis de la paix.
Aux chants, aux jeux sacrés, vos séjours sont propices ;
Votre mousse aux loisirs offre des lits épais.

Ne penche plus ton front sur les choses qui meurent ;
Tourne au levant tes yeux, ton cœur à l’avenir.
Les arbres sont tombés, mais les germes demeurent ;
Tends sur ceux qui naîtront tes bras pour les bénir.

Poète aux longs regards, vois les races futures,
Vois ces bois merveilleux à l’horizon éclos ;
Dans ton sein prophétique écoute les murmures,
Écoute ! au lieu d’un bruit de fer et de sanglots,

Sur des coteaux baignés par des clartés sereines,
Où des peuples joyeux semblent se reposer,
Sous les chênes émus, les hêtres et les frênes,
On dirait qu’on entend un immense baiser.