Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/232

Cette page n’a pas encore été corrigée

Un esprit revêtu d’écorce et de verdure
Me semble aussi puissant que le nôtre et plus doux.

Verse à flots sur mon front ton ombre qui m’apaise ;
Puisse mon sang dormir et mon corps s’affaisser ;
Que j’existe un moment sans vouloir ni penser :
La volonté me trouble, et la raison me pèse.

Je souffre du désir, orage intérieur ;
Mais tu ne connais, toi, ni l’espoir, ni le doute,
Et tu n’as su jamais ce que le plaisir coûte ;
Tu ne l’achètes pas au prix de la douleur.

Quand un beau jour commence et quand le mal fait trêve,
Les promesses du ciel ne valent pas l’oubli ;
Dieu même ne peut rien sur le temps accompli ;
Nul songe n’est si doux qu’un long sommeil sans rêve.

Le chêne a le repos, l’homme a la liberté…
Que ne puis-je en ce lieu prendre avec toi racines !
Obéir, sans penser, à des forces divines,
C’est être dieu soi-même, et c’est ta volupté.

Verse, ah ! verse dans moi tes fraîcheurs printanières,
Les bruits mélodieux des essaims et des nids,
Et le frissonnement des songes infinis ;
Pour ta sérénité je t’aime entre nos frères.

Si j’avais, comme toi, tout un mont pour soutien,
Si mes deux pieds trempaient dans la source des choses,
Si l’Aurore humectait mes cheveux de ses roses.
Si mon cœur recélait toute la paix du tien ;

Si j’étais un grand chêne avec ta sève pure,
Pour tous, ainsi que toi, bon, riche, hospitalier,