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Nul n’amasse pour vous les fruits ou les toisons ;
Vous trouverez la faim rôdant vers vos maisons.
Cette terre en est-elle à ses moissons suprêmes ?
Manque-t-elle à vos socs, et l’onde à vos trirèmes ?
Avez-vous donc tari tous les puits des déserts,
Et jusqu’aux pics neigeux labouré l’univers ?
Vos soleils sont-ils morts, fait-il froid dans vos âmes ?
N’avez-vous nulle part des enfants et des femmes ?
Le monde offre à vos mains mille biens superflus :
Prenez l’or ou l’amour ; que vous faut-il de plus ?


LE CHŒUR.


Les dieux nous ont fait naître eh d’heureuses contrées,
Riches d’astres, de fleurs, de sources azurées.
Là ne manquent jamais ni la rosée au ciel,
Ni le lait aux troupeaux, ni dans les bois le miel.
Sans cesse en ces beaux lieux tiédis par les zéphires,
Les prés ont des parfums et les yeux des sourires.
C’est là qu’aux pieds du chêne ou des platanes verts,
Nous avons de vieux toits par la mousse couverts,
Des puits sous les palmiers plantés par nos ancêtres ;
Le pampre et le laurier embrassent nos fenêtres ;
Dans nos sillons, si peu que les creuse l’airain,
Nous cueillons chaque été dix épis pour un grain.
Là, comme en nos jardins et nos cieux pleins de flammes,
C’est toujours le printemps dans le cœur de nos femmes ;
Et les douces saisons remplissent chaque jour
Nos corbeilles de fruits et nos âmes d’amour.
S’il est un homme heureux, il vit sur ces rivages ;
Et nous, sans qu’une larme ait baigné nos visages,
Nous avons fui : ces biens nous sont presque odieux ;
Quelque chose de plus nous est dû par les dieux.