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Et toi, par la douleur et la honte affaibli,
Tu roules sous ses pieds, dans l’herbe enseveli,
Pouvant à peine, hélas ! jusqu’aux forêts obscures
Ramper pour y mourir, en cachant tes blessures.
L’homme alors, t’infligeant son rire âpre et moqueur,
Dit qu’un monstre est dompté par Hercule vainqueur.

Mais sitôt que, touchant la terre maternelle,
Ta poitrine meurtrie a palpité contre elle,
Que ta bouche, appliquée à son sein toujours vert,
A bu dans une fleur la sève du désert ;
Sitôt que la nature, avec toi seul à seule,
Baise ton front saignant de ses lèvres d’aïeule,
O prodige I ton corps se dresse, et, rajeuni,
Dans tes veines tu sens circuler l’infini.
Des fluides divins, cachés dans la rosée,
Ton âme s’est nourrie et s’est cicatrisée ;
Et tu vas fièrement à des combats nouveaux,
O sublime vaincu ! défier tes rivaux.

Ta mère t’a vêtu d’une armure céleste ;
Rapide, tu brandis tes poings couverts du ceste ;
Tes bras sur le vainqueur, dans sa gloire troublé,
Frappent comme un fléau sur la gerbe de blé ;
Et le monde, étonné de ta métamorphose,
Voit fléchir sur ses reins le lutteur de la prose.

Puisque ainsi, créatrice à chaque embrassement,
La nature te fait revivre en un moment,
Puisqu’elle t’a livré le secret de ta force,
D’un ennemi rusé, poëte, fuis l’amorce.
Quand tu veux résister à notre âge d’airain,
Combats dans le désert : c’est là ton vrai terrain ;
Car du sol immortel où tu puises ta sève
Si le hasard t’écarte, et si l’homme t’enlève,