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Ce que j’ai de lumière et de sérénité :
Par toi de l’infini l’image m’est connue,
Et la divinité dans mon cœur s’insinue.
Mais, ô forêts ! ô brise ! ô fleurs ! à votre tour,
Recevez, recevez mon souffle et mon amour.
De ma bouche, reçois les rumeurs embaumées
En verbe intelligent dans mon sein transformées,
Ò nature ! et, mêlés dans le père commun,
Que chacun vive en tous comme tous en chacun !

« Soleil, sur les hauts lieux j’irai te voir sourire :
C’est là que l’air est pur, et c’est là qu’on respire.
Là, qu’avec mon esprit plus libre et plus léger
L’esprit universel est prompt à s’échanger.
Là, sur toutes les fleurs mon âme se disperse,
Là, de tous ses rayons le soleil la traverse ;
Et comme cette cime exposée à tout vent,
Je sens de toutes parts ton souffle, ô Dieu vivant ! »

Moi, j’ouvrais tout mon être aux langueurs printanières :
Baigné d’ardents parfums et de chaudes lumières,
J’aspirais à longs traits ces regards, cette voix,
Et les brises d’amour qui s’exhalaient des bois.
Elle, cet enfant calme, aux visions profondes,
Ce chaste nénuphar trempé de froides ondes,
Ce lis ferme et sans tache et de rosée empli,
Ce cœur de pur cristal semblait s’être amolli.
Tout tremblait près de nous d’un amoureux vertige,
L’onde entre les cailloux et les fleurs sur leur tige ;
Les oiseaux frémissaient mêlés dans les buissons…
Or, s’animant comme eux à ses propres chansons,
La vierge a respiré des voluptés nouvelles,