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Cet unique métal dont est fait l’univers,
Et compris par quel art la force intelligente
Varie à l’infini cette unité changeante ;
Comment, tour à tour onde, oiseau, granit, ou fleur,
Elle sait combiner la forme et la couleur.

À vos yeux, dans chacun des grands sillons de l’être,
Les graines se triaient pour les moissons à naître ;
Vous saviez quel rocher ferait jaillir des flots,
Combien chaque buisson verrait de nids éclos,
Et de toutes les fleurs que le printemps nous donne,
Ce qui nous resterait de fruits mûrs pour l’automne.
Tous ces germes confus, qu’enchaînent les frimas,
En attendant leur jour, sont-ils oisifs là-bas ?
Dans l’ombre préludant au concert qui doit suivre,
Déjà bourdonnent-ils, impatients de vivre ?
Car, dans tous ses degrés, et jusqu’au noir chaos,
L’immortelle nature ignore le repos :
Dans l’espace sans borne où Dieu la fait s’étendre,
Elle détruit sans cesse, et toujours elle engendre.
Et partout, dans son sein, ton âme, en s’abimant,
A trouvé, n’est-ce pas, l’éternel mouvement ?

Tu nous raconteras tes merveilleux voyages
Dans les flancs de la terre et dans ceux des nuages.
Le peuple des esprits, sur la brume bercé,
Dans sa langue, avec toi, n’a-t-il pas conversé ?
Les ombres t’ont guidé sur leurs grèves funèbres ;
Tu sais ce que la mort couve dans ses ténèbres ;
Tu connais la cité des rêves, leurs travaux ;
Tu vis, avec les fils de leurs mille échevaux,
Leurs doigts industrieux tresser les broderies