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Sous l’œil de Dieu, perdus au fond des solitudes
Et des plantes faisant nos charmantes études,
Par l’attrait du désert sur les sommets conduits,
Tout l’été nous passions les jours, souvent les nuits.
Mais sitôt que le froid dépouillait les collines,
Et refoulait la sève au profond des racines,
De son chaume Hermia ne passait plus le seuil,
Objet d’étonnement pour nous tous, et de deuil,
Se cachant même aux siens, et comme enveloppée
Dans le sommeil pesant dont l’hiver l’a frappée.
Une blancheur de neige avait glacé son teint
Comme l’azur des flots que la gelée éteint,
Ses grands yeux sans rayons, et d’où l’âme s’absente,
Perdaient leur profondeur lumineuse et vivante.
Son souffle et sa parole, enchaînés et taris,
N’embaument plus sa lèvre où meurt son fin souris ;
La mauve, ouvrant sa feuille avec mélancolie,
Remplace le corail de sa bouche pâlie ;
Et, tel que le soleil enfui sur d’autres bords,
Son esprit semble avoir abandonné son corps.
Tant que dure l’hiver on la voit, morne et sombre,
Au foyer qu’elle attriste assise comme une ombre.

Dormiez-vous tout ce temps d’un étrange sommeil ?
Votre esprit suivait-il les courses du soleil ?
Peut-être il descendait dans ces grottes profondes
Où l’hiver enfouit les sèves et les ondes.
Là, du gouffre divin où tous les éléments
Confondus en un seul bouillonnent écumants,
Sous l’effort de l’amour excitant la puissance
Vous avez vu jaillir la divine substance,
Se répandre à grands flots en des moules divers