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Ô nature ! Hermia ! ce repos que j’aimais
A-t-il de votre sein disparu pour jamais ?

Non, déjà le soleil revient panser vos plaies,
Les oiseaux reparus chantent au bord des haies ;
D’un feuillage plus vert et de plus frais pensers
Je vois se parer l’âme et les rameaux blessés ;
Les fleurs ont relevé leur front dans les prairies ;
L’esprit s’est émaillé de tendres rêveries,
L’œil, lavé par les pleurs, dans son ardent azur
À des cieux plus sereins offre un miroir plus pur,
Et l’hymne au double chœur qu’à Dieu la terre envoie,
Un instant suspendu, monte avec plus de joie ;
Mais chaque être a souffert, et cet instant fatal,
Nature, en toi suffit pour attester le mal !

L’orage ainsi descend sur les plus saintes choses ;
La douleur germe au sein des vierges et des roses ;
Et quoiqu’un divin souffle y coule à tous moments,
La terre ainsi que l’âme a ses déchirements !

Ô mal, d’où venez-vous ? qui sait ce que vous êtes ?
Dans quelles régions se forment les tempêtes ?
Quand l’orage s’abat sur nos fronts foudroyés,
Est-ce vous, ô mon Dieu ! vous qui nous l’envoyez ?
Mais vous êtes l’amour, mais vous êtes la vie,
Et la perfection d’elle-même assouvie ;
Être, pour vous, ô Dieu ! c’est créer, c’est bénir ;
Non, ce n’est point d’en haut que le mal peut venir !

C’est de ton propre sein que sortent les nuages
Et les noirs éléments du trouble et des orages,