Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’arbre mystérieux — il ignora son nom —
Entre la vie et l’être, admirable chaînon,
S’ébranlait de lui-même et par sa propre force,
Comme s’il enfermait un dieu sous son écorce ;
Sans attendre aucun souffle, il murmurait des sons,
Ses fleurs dans leurs parfums répandaient des chansons,
Des soupirs presque humains, une plainte si douce,
Que sur le seuil de l’antre, et couché sur la mousse,
Souvent de ces beaux lieux le nouvel habitant
Oubliait tout un jour de vivre en l’écoutant.

Ainsi, sans les compter, il laissait fuir les heures,
Dans ce désert où Dieu lui donna ses meilleures.
Des sommets aux vallons, quand, las d’avoir erré,
Chaque soir, dans la grotte il s’était retiré,
Un fertile sommeil, inconnu dans les villes,
Sans les appesantir fermait ses yeux tranquilles.
Par la porte d’ivoire, un songe, hôte charmant,
Près de lui descendu, l’enivrait mollement,
Et, dans toutes ses nuits, d’une image pareille,
À sa vue, à son cœur répétait la merveille.

Il voyait dans la grotte, au coin le plus obscur,
Une lueur mêlée et d’argent et d’azur,
Comme un reflet du lac lorsque la lune y brille,
Jaillir des blancs contours d’un corps de jeune fille ;
Puis à la voûte, aux murs, sur les cristaux sculptés,
L’auréole agrandie allumait des clartés.
Un arbuste semblable à la plante inconnue,
Et d’où sort comme un fruit la vierge demi-nue,
À sa chaste ceinture attache un vêtement
De rameaux et de fleurs noués confusément :