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Fuyons le Pentélique où sculptaient nos aïeux,
Et la blanche Paros, cette mine de dieux.
Jetons loin nos ciseaux, outils sacrés naguères,
Qui ne traceront plus que des formes vulgaires,
Nos marbres encensés trônaient sur les autels :
Ceux qui faisaient des dieux feront-ils des mortels !

Grèce, où l’amour des dieux, chaleur douce et bénie,
Comme un fruit de ton sol fait mûrir le génie,
Grèce, Olympe terrestre où respirent encor
Mille habitants du ciel parés de jaspe et d’or,
Qui pourra retrouver, une fois abattues,
Le moule harmonieux d’où sortaient tes statues ?
Nos fils à l’idéal s’essayeront en vain ;
Les hommes ont brisé leur modèle divin.

Vous fuirez les regards des ouvriers profanes,
Ô Nymphes qui veniez en des nuits diaphanes,
Vous tenant par la main, formant des pas en rond,
Les cheveux dénoués et des fleurs sur le front,
Sans que rien lui voilât vos beautés ingénues,
Devant l’artiste saint poser chastes et nues.

Sèche, ô pâle ouvrier, autour des blocs pesants ;
Recommence vingt fois tes calculs épuisants ;
Avec l’esprit d’en haut que ta main rivalise ;
Cherche avec quel ciseau le beau se réalise ;
Tâche de remplacer l’amour à force d’art,
Ou, las de méditer, invoque le hasard.
Que l’orgueil soit ton guide ; insulte aux vieux mystères,
Et ris des visions que copiaient tes pères ;
En un sombre atelier mange ton pain amer.