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Semble une fleur s’ouvrant sur sa tige divine.
Quelque chose d’humain transpire de partout,
Et de l’oiseau qui vole et de l’onde qui bout.
Chaque arbuste est paré d’une grâce ravie :
À le voir végéter, on comprend qu’il eut vie ;
Que les êtres issus d’un souffle universel
Font entre eux de la forme un échange éternel.

Enfin, du haut d’un mont, sous les pins et les chênes,
Pan, le riche berger, surveille ses domaines.
Les Nymphes près de lui sont assises en rond ;
Deux rameaux verdoyants jaillissent de son front ;
Sa main tient le syrinx appliqué sur sa lèvre,
Et le gazon en fleurs couvre ses pieds de chèvre.
Son visage reluit ; mille étoiles en feu
Argentent comme un ciel sa poitrine : le dieu
Mêle ainsi dans son corps, peint suivant le vieux rite,
Ce qui vit ou végète avec ce qui gravite.
Autour, l’herbe est épaisse et les bois sont touffus ;
Les grands vallons sont pleins de murmures confus.
Là, taureaux et brebis, loups, hydres, sphinx énormes,
Hommes de divers sang, monstres de toutes formes,
Dans l’herbe, dans les blés, dans les marais épars,
Semblent depuis mille ans paître sous ses regards.
Au loin la mer blanchit sous les pas de la houle.
Au-dessus, dans l’éther, comme un sable qui roule,
Des milliers d’astres d’or luisent sur chaque lieu
Du cercle universel dont Pan est le milieu.
Lui, qui fait obéir cet empire à sa flûte,
Des éléments discords apaise ainsi la lutte.
Roi fort et pacifique, harmonieux pasteur,
Modérant la vitesse et pressant la lenteur,