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PIERRE ET PERNETTE.


Les baisers du départ furent presque joyeux,
Comme ceux que le soir, au hameau, sur la porte,
Donne, et que le matin fidèlement rapporte.

Le retour au manoir s’acheva promptement,
Dans le foyer joyeux flamba le gai sarment ;
Bien avant dans la nuit, à sa clarté légère,
Chacun voulait ouïr la vive messagère.
Laissant le coup du soir dans son verre oublié,
Attentif, à son banc Jacques semblait lié ;
Pour la première fois, la douce Madeleine
Achevait sans pleurer son écheveau de laine ;
Et, malgré maints récits, maints avis différents,
L’espoir contagieux gagna les vieux parents.

Toi, maintenant, sommeil, sur la blanche couchette,
Viens, en un rêve heureux, dans l’âme de Pernette,
Prolonger cet espoir que tu sais embellir ;
Quand luira le soleil, peut-être il doit pâlir !
Toi, dont le bras, souvent, pèse aux flancs qu’il caresse,
Sommeil, parfois si dur à la triste vieillesse,
Toi qui, dans les palais, ou les humbles réduits,
De tant de jours cruels fais tant d’atroces nuits,
Ouvre à cette jeune âme un horizon paisible,
Sommeil de l’âge heureux qui rends le ciel visible !
En tableaux pleins de grâce et de sérénité,
Peins-lui les souvenirs de ce jour enchanté.

Sur la place, à travers un peuple qui l’assiège,
Fifres et violons précèdent le cortège.
Il fait soleil : partout des fleurs et des rubans ;
Dans la rue, à l’église, on monte sur les bancs ;