Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
L’ESCALADE.

J’aime en vous l’avenir, tous ceux qui doivent naître
Et tous ces morts sacrés que je sens vivre en moi.

De ma mère aux doux yeux vous êtes le sourire,
À travers nos soucis, la grâce et le bonheur ;
Sang de l’auguste aïeul qui se plut à m’instruire,
Vous êtes le devoir et vous serez l’honneur.

Marchez donc vaillamment pour que je me repose,
Et partis de la pierre où lassé je m’assieds,
Parvenus sur ce pic baigné de vapeur rose,
Voyez-moi de bien haut et dans l’ombre à vos pieds.

Que cet âpre sentier sourie à votre audace !
Prenez pour but ces lieux d’un difficile accès,
Où les intérêts vils n’ont pas marqué leur trace.
La gloire est dans l’effort. Qu’importe le succès !

Le pèlerin d’en haut souvent tombe ou chancelle ;
Il se heurte, il se brise à l’obstacle maudit ;
Mais, tandis que son corps s’use à la rude échelle,
Son esprit la dépasse et son âme grandit.

Montez dans la douleur, sûrs de la récompense ;
Quand le but invoqué s’enfuirait devant vous,
Vers le faîte entrevu de tout homme qui pense,
Montez d’un pas plus ferme et plus hardi que nous.

Saisissez donc, enfants, ce flambeau de la vie ;
Tandis que les vieillards se querellent entre eux,
Partez, jeunes coureurs, purs de crainte et d’envie,
Éclairant sous vos pas l’avenir ténébreux.