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L’ESCALADE.

Quand mon regard les perd sous le taillis plus noir,
Je les devine encore en cessant de les voir.

Voici qu’un vent rapide écarte un peu les branches :
Le vert sombre des houx trahit leurs vestes blanches.
Un rocher, par moment, me les cache, et soudain
J’ai revu, bondissants, le chevreuil et le daim.
On s’arrête ; et vers moi, durant la courte étape,
Prompt à me rassurer, un long hourra s’échappe.
Et j’applaudis, heureux témoin de leur essor ;
Et du fond de mon cœur je les exhorte encor.


II



Courage ! enfants, montez où je ne puis atteindre !
J’ai fait ce que j’ai pu, j’ai montré le chemin ;
Je suis las, l’heure approche où mon feu va s’éteindre ;
C’est à vous de me tendre une vaillante main.

C’est à vous d’emporter mon âme sur vos ailes,
D’annoncer une aurore au soir qui va finir ;
C’est par vous, par vos yeux, ô mes oiseaux fidèles,
Que mes yeux et mon cœur plongent dans l’avenir.

À vous voir sur ces monts, souples, joyeux, alertes,
Altérés d’inconnu, fuir à travers les bois,
Je sens, avec l’air vif de ces cimes désertes,
Courir dans mon vieux sang les ardeurs d’autrefois.