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LE LIVRE D’UN PÈRE.

Où le gazon jauni scintille en touffes d’or,
C’est le parc où, sonnant le goûter, vive et claire,
La cloche tinte au cou des vaches qu’on va traire.

Tant pis pour qui s’égare ou demeure en retard !
L’espoir du bon lait chaud ramène le traînard ;
La troupe se rassemble, et d’un pas plus alerte
Abrège le circuit de la colline verte.
Ma voix qui les pressait, et qu’on n’écoutait pas,
Doit ici les calmer et ralentir leurs pas.
Il faut que la sueur sèche un peu sous ces blouses.
On va plus sagement sur de fines pelouses,
Et s’arrêtant aux fleurs qui croissent par milliers,
On se dit leurs vertus et leurs noms familiers.

La flore des hauts lieux dans sa splendeur s’étale :
Sur l’humble serpolet rougit la digitale ;
Le genièvre a semé ses grains noirs sur le thym.
Chacun, pour son herbier, fait là quelque butin.
Voici — dans ses fleurs d’or — longue tige penchée,
La grande gentiane en juillet desséchée.
Passons, et sans goûter à ce flot froid et noir,
Sous le toit du chalet, au bord de l’abreuvoir.
Nous verrons au retour, sous ce bouquet de hêtres,
Ce réduit abondant et ses trésors champêtres :
La cave où, pour l’hiver, jaunit, comme un fruit mûr,
Le fromage encor frais rangé contre le mur.
Évitons, mes enfants, cette place plus basse
Où dans un sol mouvant l’eau se cache et s’amasse.
Suivons l’étroit sentier loin des joncs. Voyez-vous
Poindre ce brin d’azur dans l’herbe à vos genoux ?
C’est la petite fleur pour qui j’ai fait des lieues.