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LA GRAND’GERBE.


Pour que l’enfant se réjouisse
De la richesse des moissons,
Que le vieux logis retentisse
Et qu’on danse aux vieilles chansons !

Mais une loi reste, éternelle,
Dont nul bonheur ne nous défend ;
Pour finir l’œuvre paternelle
Il faut le travail de l’enfant.

Sur le sol creusé par le père
Avec tant d’effort et d’amour,
Quand le grain mûrit et prospère,
Le fils doit suer à son tour.

L’été mène un jeune cortège
Moissonner, au champ du vieillard,
Ce qui fut semé sous la neige
Et labouré dans le brouillard.

Sous un lourd soleil, à votre heure,
Dans ce champ, mes fils, vous viendrez ;
Mais votre part est la meilleure :
Je sème, et vous récolterez.

Je fais une tâche incertaine,
Par un temps gris, humide, obscur :
Quand vous descendrez dans la plaine,
Le ciel sera clair, le blé mûr.

Je marche les pieds dans la boue,
Morne, inquiet, silencieux ;