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LE LIVRE D’UN PÈRE.

Qu’à l’abri d’un rideau de hêtres,
Je pose en rêve une maison.

Je la vois simple, mais ancienne ;
Les murs sont fortement bâtis…
Et je rêve enfin qu’elle est mienne,
Pour être à vous, mes chers petits !

Pour vous garder, loin de la ville,
Ce foyer plein de souvenir,
Ce nid, ce port, ce vieil asile
Où l’on veut toujours revenir ;

Où, quand notre âme est appauvrie,
Après l’hiver sombre et moqueur,
On fait moisson de rêverie,
On va renouveler son cœur.

Là, vers les bruyères vermeilles,
Le blé noir, le trèfle ou le thym,
Vos pensers, comme ces abeilles,
S’envoleraient chaque matin.

Notre humble terre a sa richesse.
Ce ciel, ces sommets que voilà,
Ce n’est point le beau ciel de Grèce,
Ce n’est point l’Hymète ou l’Hybla.

Dans ces vastes champs qu’on domine,
Ce n’est, là-bas, aux feux du soir,
Ni Mégare, ni Salamine,
Qu’on voit du pied de ce manoir.