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LE LIVRE D’UN PÈRE.

Te voilà mort, mon vieux fidèle !
Au néant on t’a condamné ;
Mais à Dieu mon cœur en appelle.
Je suis sûr qu’il t’avait donné
Une part de l’âme éternelle.

Car la bonté ne périt pas,
Et l’être en qui Dieu l’a placée
L’emporte au delà du trépas.
Elle vit comme la pensée.

Aimez-la, mes petits chéris,
Dans la plus humble créature ;
Aimez-la chez les grands esprits,
C’est leur essence la plus pure ;
C’est la fleur, le joyau sans prix,
C’est la perle de la nature.

Aimez-la dans ce bon cheval,
Qui la possédait sans mélange ;
Dans le chien, ce héros étrange
Qui meurt pour un maître brutal :
Elle met le pauvre animal
Au niveau de l’homme et de l’ange.

Oui, bon gris nous te reverrons
Sur des montagnes bien plus belles,
Où nous aurons de grandes ailes,
De vives clartés sur nos fronts ;
Et, joyeux, nous galoperons
Sur des bruyères immortelles.