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INQUIÉTUDES.

Avant de vous fier à ce qui semble d’or,
Consultez son honneur, comme je fais encor.

Ce n’est pas moi, c’est lui que je pose en modèle !
J’ai tâché seulement d’être une ombre fidèle,
De marcher sur sa voie et vers son but sacré ;
Je ne l’atteindrai point, mais j’en approcherai !
Au mépris du succès, du bien-être éphémère,
J’écris d’après mon cœur et le cœur de ma mère.
Mes modestes héros ne sont pas pris ailleurs.
Si mon poème est bon, vos aïeux sont meilleurs.
Heureux quand, par moments, réchauffé de leurs flammes,
J’ai su parer mes vers des beautés de leurs âmes.
Du tronc qui nous porta soyez les dignes fruits ;
Qu’on me retrouve en vous plus pur que je ne suis,
Que, dans vos actions, mon âme reparaisse
Libre enfin de toute ombre et de toute faiblesse.
Polissez nuit et jour sous la main du devoir
L’acier de votre vie où je veux me revoir,
Afin qu’à tous les yeux la clarté dont il brille
Illumine mon œuvre, honneur de la famille.

Ah ! comme avec douceur aux trois quarts du chemin
Mon vieux corps fatigué se coucherait demain ;
Que l’éternel repos aurait pour moi de charmes,
Si je vous laissais tous vaillants et tous en armes !
Si, de là-bas, dans l’ombre où dorment les aïeux,
Je vous savais aimés, purs, honorés, joyeux !
Si je voyais déjà poindre vos destinées
Dans ce feuillage obscur des premières années ;
Si les fruits grossissants, peints de vives couleurs,
Etaient prêts à tenir les promesses des fleurs !