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LE PETIT MÉNAGE DU PÈRE.

Le blason du coussin de laine,
Tout reprend de vives couleurs.
 
Et tandis qu’on passe et repasse,
Sur mes genoux, en fredonnant,
On revient, et vite on embrasse
Le front du père rayonnant.

Moi, j’ai vu fuir, sous ces doigts d’ange,
Les spectres de ma longue nuit ;
Mon esprit goûte un calme étrange
Dans la chambrette qui reluit.

Il ne reste en mon âme entière
Plus une crainte et plus un deuil,
Pas plus qu’un seul grain de poussière
Sur le bois de mon vieux fauteuil.

Durant tout ce petit ménage
Qu’on achève avec tant d’amour,
Le poète a repris courage
Pour son labeur de chaque jour.

Avec mes douces visiteuses,
Chez moi, le soleil et l’espoir,
La verve et les rimes heureuses,
Tout revient pour jusqu’à ce soir.

Il m’est resté de leur passage,
— À moi qui me sentais si vieux,
Avec la fermeté d’un sage,
Les ardeurs d’un jeune amoureux.