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LA VEUVE.

 
Au loin, sur les coteaux tapissés par la neige,
Lentement serpentait le funèbre cortège.
Les bois, ainsi que nous, restaient silencieux.
Un crêpe de brouillards s’étendait sur les cieux.
De l’endroit solennel nous étions déjà proche ;
On entendait encore un peu la triste cloche,
Quoique sur les hauteurs, l’air s’était attiédi
Et le vent préludait au calme de midi.
Voilà qu’autour de nous, sans qu’il soufflât de brise,
Reprit à gros flocons une neige indécise :
On doutait, à les voir incertains de leur vol,
S’ils descendaient du ciel ou s’ils montaient du sol.
C’était comme un essaim d’âmes ou de colombes
Qui venaient chastement voltiger sur ces tombes.

Et, pour bénir nos morts de son divin regard,
Le soleil un instant perça l’épais brouillard.

Le prêtre seul parla durant la sépulture ;
Tout se taisait, la foule et la pâle nature.
Et la terre natale, enfin, selon leur vœu,
Se ferma sur leurs corps pour les garder à Dieu.

Leur humble monument, dressé sur la bruyère,
Ne manquera jamais de fleurs ni de prière ;
Il reçoit, chaque été, nombre de pèlerins,
Il entend leurs secrets, il guérit leurs chagrins.

Une antique légende ici se renouvelle :
Pierre et Pernette auront leur mémoire immortelle
Nos fils pourront choisir, dans la vieille chanson,