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PERNETTE.

 
Quand, aux longs jours d’été, partis de grand matin,
D’insectes et de fleurs faisant large butin,
Nous voyions, heureux gain des pages bien apprises,
Les paniers se garnir des premières cerises !
Là, parmi les grands blés, autour des pampres verts »
Le maître parlait mieux à des cœurs plus ouverts.
Pernette avait ce don, comme un rosier des roses,
De traduire aux enfants la voix qui sort des choses,
Et d’être bien comprise en leur lisant un peu
Des splendides feuillets du grand livre de Dieu.

Parfois, ayant choisi — c’étaient de rares fêtes —
Les cœurs les plus ardents parmi ces blondes têtes,
Ceux qui, déjà plus mûrs, savaient mieux admirer
Et qu’aux nobles récits elle avait vus pleurer,
Loin des sentiers connus, vers les lieux sans culture,
Elle nous conduisait, dans la haute nature,
Sur un de ces rochers d’où les yeux incertains
Sondent l’immensité des horizons lointains ;
Et parmi les détours des forêts tant aimées
Des débris de son cœur encor toutes semées.
Puis, de rameaux cueillis en de secrets endroits
On venait couronner les deux bras d’une croix.
C’était sous les sapins, à l’extrême lisière
Du bois noir qui surplombe un coteau de bruyère ;
On dominait de là des sites merveilleux,
Et tout le cher pays se déroulait aux yeux.

Là cessaient tout à coup le bruit, le jeu frivole ;
C’était comme une église où se tiendrait l’école.
Alors se déployait, gardé pour ce soleil,
Quelque récit fécond en vigoureux conseil.