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PERNETTE.

 
Qu’un seul cœur ici-bas et là-haut qu’un seul ange.
Accordez-moi ce prix, mon espoir, ma vertu…
Le voulez-vous, mon Dieu ?… Pernette, le veux-tu ? »

Un sanglot éclatant répondit pour Pernette.
À genoux, près du lit, elle tomba, muette ;
Saisit la pâle main que tendait le mourant,
De sa lèvre à son sein la baisant, la serrant,
La baigna de ses pleurs, et, du geste et de l’âme,
À Pierre, mille fois, fit l’aveu qu’il réclame,
Disant par tout son être un oui silencieux
Etouffé dans sa voix, mais inscrit dans les cieux.

Quand des premiers sanglots l’angoisse étant passée,
La vierge eut recueilli sa voix et sa pensée,
Le prêtre autour de lui, comme il était besoin,
Appela les parents, prit le peuple à témoin ;
Et sous les hauts piliers de ce vert sanctuaire,
Commença devant Dieu la noce mortuaire.

Les hauteurs s’éclairaient aux approches du soir ;
Sur la couche de fleurs prête à le recevoir,
Le soleil amoureux s’apprêtait à descendre.
La neige ouvrait au loin son rideau rose tendre.
À l’Orient, jamais si profond et si pur
L’infini grand ouvert n’avait lui dans l’azur ;
Jamais ciel, par delà notre ombre où tout se noie,
Ne promit plus d’espace à l’éternelle joie ;
Jamais, dépassant mieux notre horizon humain,
Tant d’espoir ne berça si douloureux hymen.
Comme pour se mêler par des douceurs amères
A cet amour sevré des transports éphémères,