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LES NOCES.


Et le voilà qui vient, pour franchir ce moment,
À ton âme, à ton corps s’unir étroitement,
Afin que tu sois forte, il vient, âme chrétienne.
Mêler divinement sa substance à la tienne ;
Pour qu’ici même, avant que le ciel ne t’ait lui,
Ce Dieu bon vive en toi, lorsque tu meurs en lui :
Reçois ce pain sacré fait pour l’homme et pour l’ange,
De l’âme et de la chair ineffable mélange,
Où ton Dieu descendu, quand ma main l’a béni,
Pour se donner à toi fait tenir l’infini.
Reçois de ton pardon cet infaillible gage.
Reçois cet aliment du suprême voyage.
Va, dans le sein du père, au foyer de l’amour,
Prépare à tous les tiens leur place et leur retour…
Et souviens-toi là-haut, jusqu’à ma dernière heure,
Du prêtre qui t’absout, de l’ami qui te pleure. »

Soulevé de sa couche, au moment solennel,
Pierre, assis, reposait sur le sein maternel.
Madeleine à genoux, la femme forte et tendre,
Soutenait dans ses bras celui que Dieu va prendre.
Le feu de sa prière avait séché ses pleurs ;
Sa foi brûlait plus vive encor que ses douleurs.
Les splendeurs de l’extase illuminaient sa face,
Comme si du mourant elle obtenait la place ;
Et son âme, en un vol suprême et triomphant,
Croyait monter au ciel avec le doux enfant,

Mais lui, sans plus rien voir que les espèces saintes,
Ardemment vers son Dieu se penchait les mains jointes.

Le peuple est prosterné ; les pleurs coulent des yeux ;