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Ô vierge ! cette nuit, dans son fluide azur,
Semble exprès pour mes yeux dissiper tous tes voiles ;
J’adore en sa blancheur ton front chargé d’étoiles.
En toi, jusqu’à ton nom, tout est splendide et pur !

Le ciel seul boit ton souffle à ta lèvre sacrée ;
Ton sein veiné d’azur, rougissant au réveil,
Laisse à Dieu seul cueillir sur sa neige empourprée
Les roses d’Orient qu’y sème le soleil.

Toi seule entre les monts as préservé ta face
De l’affront qu’aux sommets imprime un pied humain.
Partout survient la fange où se forme un chemin :
Tu dois de rester pure à tes remparts de glace.

Par eux tes flancs sacrés conservent leur candeur.
Le soir, lorsqu’à tes pieds tous le pays est sombre,
De l’azur infini perçant la profondeur,
Des sommets fréquentés ton front domine l’ombre.

Toi-même as cependant tes vallons ténébreux,
Et tu tiens par ta base aux régions impures
Où l’eau du ciel se trouble à laver nos souillures,
Où l’homme teint de sang un sillon douloureux.

Mais au-dessus de tous, belle vierge de neige,
Attirant le premier l’onde et les feux du ciel,
Ton front chaste et hautain garde le privilège
De porter l’invisible et l’immatériel.

Dieu pour trône, ici-bas a pris ta blanche cime,
Seul séjour assez pur pour qu’il s’y daigne asseoir ;