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Tes yeux daignèrent me sourire

Dans un moment d’oisiveté.

Mon cœur ne t’avait point cherchée ;
Je te vis et je voulus fuir !
Par dépit, tu t’es attachée
À m’aimer, comme on doit haïr.

Il fallait, d’ailleurs, à ta bouche
Boire, ou dans l’argile ou dans l’or,
La volupté sombre et farouche,
Hélas ! que j’ignorais encor.

Je fus un instant le calice
Où ta soif horrible a puisé ;
Tu m’avais choisi par caprice,
Et ton caprice m’a brisé.

Tu sais dans notre lutte intime.
Tu sais les maux que j’ai soufferts,
Eh bien, tu semblais la victime,
Et tu te plaignais de tes fers !

De ma mort, dont toi seule est cause,
As-tu du moins porté le deuil ?
Peut-être, alors, un pli morose
De ton front a ridé l’orgueil.

Mais, si quelque larme suprême,
De tes yeux secs, un soir, coula,
C’est que tu pleurais sur toi-même.

Et que le remords était là.