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mentale et en dissimulant vos habiletés d’amorceur littéraire sous le prétexte d’anatomies morales et d’études immondes des dessous de la pire société, prouvent que vous êtes de parti pris un érotique des plus dangereux. En littérature, quel est l’écrivain obscène qui ne soit pas naturaliste ? Leurs peintures trop réelles, leurs personnages trop naturels, ne sont-ils pas immoraux, précisément parce qu’ils peignent des scènes et reproduisent des actes qui sont la trop fidèle reproduction, dans le nu, dans le sale, dans le monstrueux exceptionnel, d’une réalité crue et d’une nature fangeuse ? Oui, qu’avez-vous besoin, si vous n’y trouvez pas votre intérêt, de me reproduire toutes ces ordures, de me peindre toutes ces plaies ? Je peux les voir à l’hôpital ; là, du moins, je les trouve vivantes, et vos chefs-d’œuvre réalistes ne vaudront jamais pour moi ces vivantes horreurs… Et alors même que vous me feriez grâce de l’atroce, de l’horrible, de l’ignoble, du repoussant ; si vous ne donnez à la nature aucune auréole et au réel aucun rayon qui le transfigure, à quoi bon vos livres naturalistes ? J’aime mieux voir la nature. La nature a, dans son ensemble de contrastes opposés et imprévus, une grandeur et une harmonieuse beauté qui corrigent les tâches et les amoindrit. Votre tort est de ne voir et de ne reproduire qu’un coin de la nature, et encore à travers votre tempéra-