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AIR.
––––––Je suis la petite fruitière
––––––Que jalousent tous les marchands ;
––––––Ma boutique est cell’ qu’on préfère
––––––Dans le marché des Innocents.
––––––Je vois accourir à la ronde,
––––––De tous les quartiers de Paris,
––––––Des bourgeois et des gens du monde
––––––Qui viennent admirer tous mes fruits.
––––––Par-ci, par-là, chacun m’adresse
––––––En passant, quelque compliment,
––––––Auquel aussitôt je m’empresse
––––––De répondre bien poliment :
––––––Je suis la petite fruitière
––––––Que jalousent tous les marchands ;
––––––Ma boutique est cell’ qu’on préfère
––––––Dans le marché des Innocents.
––––––Je compte dans ma clientèle
––––––Des abbés coquettement mis,
––––––Et plus d’un coureur de ruelle,
––––––Des financiers et des marquis !
––––––Un seigneur que l’amour entraîne,
––––––Me dit-il : « — De grâce, aime-moi !
––––––— Moi ? je me ris de votre peine !
––––––— Toute ma fortune est à toi !
––––––— Monseigneur, cessez ce langage.
––––––Pour un mari je garde mon cœur ;
––––––Car je suis une fille sage,
––––––Et des plus sages, monseigneur !
––––––Allez porter à vos duchesses
––––––— Vos hommag’s. — Cède à mon ardeur.
––––––— Ell’répondront a vos tendresses…..
––––––— Quoi ! tu refuserais mon cœur ?..
––––––— Je suis la petite fruitière, etc. »

Scène IX.

CIBOULETTE, RAFLAFLA, entrant par la gauche.
RAFLAFLA, à lui-même.[1]

Il s’est z’échappé, le gringalet !

CIBOULETTE.

Qui cherchez-vous donc, major ?

RAFLAFLA.

Qui je cherche, la belle ? C’est ce grain de sel qui m’enlève le cœur de toutes les dames de la halle.

  1. Ciboulette, Raflafla.