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Mme MADOU.

Et vous, madame Couperose, une pas grand’chose ; si je ne me retenais, mon minet, je te donnerais du balai !

Mme BEURREFONDU.

Prenez donc garde ! l’amadou s’enflamme ! la v’là qui se pâme !

Mme MADOU.

Si je n’étais pas une femme comme il faut, j’vous ficherais mon poing sur la gueule, bégueule !

Mme POIRETAPÉE, dans la coulisse à gauche.

À trois sous les poires d’Angleterre, à trois sous !

Mme BEURREFONDU.

Eh bien ! viens-y donc ! beau trognon ! Et allons donc ! voilà de quoi faire du bouillon ! (Elle prend un chou et veut le lui jeter à la tête.)

Mme MADOU, prenant une botte de carottes.

Tiens ! tiens ! v’ là pour te bassiner l’œil, ça l’ mettra en deuil. (Elle va le lui jeter à la tête.)

POIRETAPÉE[1], entrant par le fond avec son éventaire. Elle voit la bataille.

Qu’est-ce que c’est ? une peignée ! Ah ! mesdames ! mesdames ! vous déshonorez le carreau de la halle ! (Elle les sépare.)

Mme BEURREFONDU.

Mademoiselle Poiretapée, c’est elle qui m’enlève ma clientèle !

Mme MADOU.

C’est pas vrai, c’est elle qui m’enlève le jeune Croûte-au-Pot.

POIRETAPÉE, à part.

Croûte-au-Pot ! pour qui j’ai un béguin. (Haut.) Se battre pour un homme, et un jeune homme encore ! Ah ! fi ! mesdames ! vous êtes deux dévergondées.

Mme BEURREFONDU.

Tiens ! voyez donc c’te mijaurée qui fait sa sucrée !

Mme MADOU.

En v’là une sainte-ni-touche avec sa bouche en cœur ! Voyez vous c’t’horreur, qu’est laide à faire peur !

POIRETAPÉE.

Mesdames, j’ai été rosière de Nanterre, et je ne me commets pas avec des gourgandines. Adieu !

Mme BEURREFONDU, lui jetant ses légumes à la tête..

Des gourgandines ! Tiens ! emporte ça avec toi, beau minois !

  1. Madou, Poiretapée, Beurrefondu.