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Mme  BEURREFONDU.

J’ai des poireaux superbes à deux sous le tas.

CROÛTE-AU-POT.

Il ne m’en faut pas.

Mme  MADOU.

Prenez les miens, mon amour, je vous les donne pour un sou. (Elle lui en met une botte dans son panier.)

CROÛTE-AU-POT.

Mais puisque je n’en veux pas !

Mme  BEURREFONDU.

J’vous donne mon ail, à l’œil, mon ange ! (Elle lui en fourre une botte dans son panier.)

CROÛTE-AU-POT, impatienté.

Mais, sapristi ! mame Beurrefondu, voulez-vous reprendre votre ail et vos poireaux ?

Mme  BEURREFONDU, avec passion.

Appelle-moi Cydalise l (À part.) Je me déclare, tant pis !

Mme  MADOU, à part.

Il saura tout. (Bas, l’attirant à elle.) Ah ! jeune homme, si tu savais ! si tu savais ! (Avec passion.) Appelle-moi Chloé !

CROÛTE-AU-POT, à part.

Qu’est-ce qu’elles ont donc, ces deux vieilles toquées ?

Mme  BEURREFONDU, bas.

À toi, tous mes choux ! (Elle lui en met dans son panier.)

Mme  MADOU, bas.

À toi, toutes mes carottes ! (Elle lui en fourre dans son panier.)

Mme  BEURBEFONDU, bas.

Accepte mes navets, et je te louerai une petite maison. (Elle lui en fourre dans son panier.)

Mme  MADOU, bas.

Reçois mes artichauts, et je te donne une chaise à porteur… je te ferai faire mon portrait à l’huile… avec deux laquais… (Elle fourre des artichauts dans son panier.)

CROÛTE-AU-POT, se dégageant et remontant un peu.

Mais, sacrebleu ! à la fin !

Mme  BEURREFONDU, à madame Madou.

Ah ça ! (Elles se trouvent nez à nez.) Quand aurez-vous fini de m’enlever ma pratique, vous ?

Mme  MADOU.

C’est vous qui m’enlevez la mienne, madame !

Mme  BEURREFONDU.

C’est vous, madame !