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RAFLAFLA.

Et que le colonel z’et la consigne le permettent superlativement !

Mme  MADOU.

Vous êtes un bel homme, monsieur Raflafla ; mais depuis que j’ai z’été z’abandonnée par mon gueusard d’époux, j’ai renoncé z’à l’amour… (Criant.) À la barque ! à la barque ! hareng qui glace ! à l’écailler ! (Elle remonte à son étal.)

Mme  BEURREFONDU.

C’est comme moi, depuis que j’ai z’été plantée là par mon scélérat d’homme, il y a dix-huit ans, un chenapan qui a z’évu ma première amour !… (Criant.) À trois sous les poires d’Angleterre, à trois sous ! belles bottes d’asperges !… (À un chaland.) Voilà, mon p’tit chou, voilà !… (Elle va à son étal. Pendant toute cette scène, on voit des chalands circuler au fond et s’arrêter aux étals des marchandes.)

Mme  MADOU, à Raflafla.

C’était un homme de la haute, le valet de chambre d’un fermier général. (À part.) Ne disons pas que c’était z’un sergent au Royal-Pompon, faut faire du genre. (Haut.) lmaginez-vous, major, que mon gredin d’homme, qui me comblait de petits soins tous les matins et d’ renfoncements tous les soirs et que je le bourrais de grands coups de pied et de tendresse, m’a délaissée après six mois d’un bonheur sans nuage, mélangé d’amour et de calottes, en emportant notre unique enfant, qu’aurait dix-huit ans au jour d’aujourd’hui, qu’il l’aura z’emmenée en Valachitte pour en faire une odalisse ! Oh ! les hommes ! les gredins d’hommes !

RAFLAFLA.

Que les tambours-majors, belle Madou, sont généralement z’incompatibles de ces actions incongrues ! (Bas.) Et que je brûle avec incandescence d’unir mon sort z’au vôtre et à vos… deux mille livres d’économie !

Mme  MADOU.

Ne me parlez pas d’amour, major ; ne tendez point z’un piége à ma faible vertu !

RAFLAFLA.

Et que si vous vouliez tant seulement z’entendre la barcarolle du Soleil et de Chloé, que j’ai composée noqueturnement pour vous ?

Mme  MADOU, remontant, à une chalande.

Voilà, ma p’tite mère, voilà !

RAFLAFLA, à part, inquiet.

N’aurait-elle point z’un magot de deux mille ?

Mme  BEURREFONDU, à son chaland qui s’en va.

Va donc, merlan ! avec ta face de carême ! T’as pas le sou,