Page:Laplace - Essai philosophique sur les probabilités.djvu/232

Cette page a été validée par deux contributeurs.
224
essai philosophique

sorium une impression que je nommerai seconde image, sans prétendre l’assimiler à la première, ni rien affirmer sur sa nature. Cette seconde image n’est pas d’abord une représentation fidèle de l’objet ; mais la comparaison habituelle des impressions de cet objet par le tact, avec celles qu’il produit par la vue, finit, en modifiant le sensorium, par rendre la seconde image conforme à la nature représentée fidèlement par le toucher. L’image peinte sur la rétine ne change point ; mais l’image intérieure qu’elle fait naître n’est plus la même, comme les expériences faites sur plusieurs aveugles de naissance auxquels on avait rendu la vue, l’ont prouvé.

C’est principalement dans l’enfance que le sensorium acquiert ces modifications. L’enfant, comparant sans cesse les impressions qu’il reçoit d’un même objet, par les organes de la vue et du toucher, rectifie les impressions de la vue. Il dispose son sensorium à donner aux objets visibles la forme indiquée par le tact dont les impressions s’associent intimement avec celles de la vue, qui les rappellent toujours. Alors les objets visibles sont aussi fidèlement représentés que les objets tactiles. Un rayon lumineux devient pour la vue ce qu’est un bâton pour le toucher. Par ce moyen, le premier de ces sens étend beaucoup plus loin