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essai philosophique

par l’action lente et continue des agens naturels. En fouillant dans les entrailles de la terre, on découvre de nombreux débris d’une nature jadis vivante et toute différente de la nature actuelle. D’ailleurs, si la terre entière a été primitivement fluide, comme tout paraît l’indiquer, on conçoit qu’en passant de cet état à celui qu’elle a maintenant, sa surface a dû éprouver de prodigieux changemens. Le ciel même, malgré l’ordre de ses mouvemens, n’est pas inaltérable. La résistance de la lumière et des autres fluides éthérés et l’attraction des étoiles, doivent, après un très grand nombre de siècles, considérablement altérer les mouvemens planétaires. Les variations déjà observées dans les étoiles et dans la forme des nébuleuses, font pressentir celles que le temps développera dans le système de ces grands corps. On peut représenter les états successifs de l’univers par une courbe dont le temps serait l’abscisse, et dont les ordonnées exprimeraient ces divers états. Connaissant à peine un élément de cette courbe, nous sommes loin de pouvoir remonter à son origine ; et si, pour reposer l’imagination, toujours inquiète d’ignorer la cause des phénomènes qui l’intéressent, on hasarde quelques conjectures, il est sage de ne les représenter qu’avec une extrême réserve.