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essai philosophique

des épines de la couronne du Sauveur, et elle se crut à l’instant guérie. Quelques jours après, les médecins et les chirurgiens constatèrent la guérison, et ils jugèrent que la nature et les remèdes n’y avaient eu aucune part. Cet événement, arrivé en 1656, ayant fait grand bruit, « tout Paris se porta, dit Racine, à Port-Royal. La foule croissait de jour en jour, et Dieu même semblait prendre plaisir à autoriser la dévotion des peuples, par la quantité de miracles qui se firent en cette église. » À cette époque, les miracles et les sortiléges ne paraissaient pas encore invraisemblables, et l’on n’hésitait point à leur attribuer les singularités de la nature, que l’on ne pouvait autrement expliquer.

Cette manière d’envisager les effets extraordinaires, se retrouve dans les ouvrages les plus remarquables du siècle de Louis XIV, dans l’Essai même sur l’entendement humain, du sage Locke, qui dit, en parlant des degrés d’assentiment : « Quoique la commune expérience et le cours ordinaire des choses aient avec raison une grande influence sur l’esprit des hommes, pour les porter à donner ou à refuser leur consentement à une chose qui leur est proposée à croire, il y a pourtant un cas où ce qu’il y a d’étrange dans un fait, n’affaiblit point l’assen-