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vide son cœur  (4), il remplit son ventre (son intérieur), il affaiblit sa volonté, et il fortifie ses os  (5).

Il s’étudie constamment à rendre le peuple ignorant et exempt de désirs  (6).

Il fait en sorte que ceux qui ont du savoir n’osent pas agir  (7). »

Il pratique le non-agir, et alors il n’y a rien qui ne soit bien gouverné.


NOTES


(1) Sou-tseu-yeou : Si l’on accorde une grande estime aux sages, le peuple rougira de ne pas être traité de même, et il en viendra à disputer. Si l’on prise les biens d’une acquisition difficile, le peuple s’affligera de n’en pas avoir, et il en viendra à voler. Si l’on arrête ses regards sur les choses désirables (ce commentateur prend en bonne part les mots kho-yo), le peuple se croira malheureux de ne pas les posséder, et il en viendra à se livrer au désordre. Tous les hommes de l’empire savent que ces trois choses sont une calamité ; mais ce serait folie que de vouloir y renoncer tout à fait. Le saint homme ne manque jamais d’employer les sages ; seulement il ne les exalte pas. Il ne rejette pas les biens d’une acquisition difficile ; seulement il ne les prise pas. Il ne renonce pas aux choses désirables (C : il n’est point insensible comme un arbre desséché ou des cendres éteintes) ; seulement il n’y arrête pas ses regards.

E : Quoique les saints hommes de la haute antiquité employassent les sages, jamais ils ne les exaltaient. Les sages de ces temps reculés occupaient leurs charges, mais ils ne les regardaient pas comme un sujet de gloire. Ils en supportaient les fatigues, mais jamais ils n’en tiraient profit. Lorsqu’une chose n’est point une source de gloire ni de profit, comment le peuple se disputerait-il pour l’obtenir ? Dans les siècles suivants, les sages jouirent du fruit de leur réputation. La multitude eut de l’estime pour eux et s’étudia à les