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(12) A : Ne pas savoir et dire que l’on sait, cela s’appelle thsien-tchi 前識.

E explique la même expression par thsien-tchi 前知, « la faculté de connaître les choses d’avance. » Cette faculté n’exclut pas nécessairement le Tao, mais elle n’en est que la fleur ; ce n’est pas de l’ignorance, mais c’est le commencement de l’ignorance. La véritable étude du Tao consiste à nourrir ses esprits. Quoique l’éclat (de la vertu du Saint) puisse illuminer l’univers, il le renferme dans son intérieur. Quant à ces hommes qui font usage de leurs facultés intellectuelles pour prévoir la paix ou le désordre des états, pour prédire le malheur ou le bonheur, ils peuvent, il est vrai, exciter l’admiration du siècle ; mais lorsqu’ils se replient sur eux-mêmes, cette faculté ne leur sert de rien. Ils fatiguent leurs esprits en s’occupant des choses extérieures ; de là naissent le trouble et l’erreur. C’est pourquoi Lao-tseu dit : C’est le commencement de l’ignorance.


(13) Sou-tseu-yeou : L’homme saint pénètre tous les êtres à l’aide d’une intuition merveilleuse. Le vrai et le faux, le bien et le mal brillent à sa vue comme dans un miroir. Rien n’échappe à sa perspicacité. Les hommes vulgaires ne voient rien au delà de la portée de leurs yeux, n’entendent rien au delà de la portée de leurs oreilles, ne pensent rien au delà de la portée de leur esprit. Ils cheminent en aveugles au milieu des êtres ; ils usent leurs facultés pour acquérir du savoir, et ce n’est que par hasard qu’ils en entrevoient quelques lueurs. Ils se croient éclairés et ne voient pas qu’ils commencent à arriver au faîte de l’ignorance. Ils se réjouissent d’avoir acquis ce qu’il y a de plus bas, de plus vil au monde ; et ils oublient ce qu’il y a de plus sublime. Ils aiment le superficiel et négligent le solide ; ils cueillent la fleur et rejettent le fruit. Il n’y a qu’un grand homme qui sache rejeter l’une et adopter l’autre.

E : Plusieurs auteurs raisonnent ainsi : L’humanité, la justice, les rites, les lois, sont les instruments dont se sert un homme saint (c’est-à-dire un prince parfait) pour gouverner l’empire. Mais Lao-