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(10) E : Plus haut, le mot tcho , « trouble, » s’appliquait au sage qui paraît ignorant et stupide. Mais ici il se dit du cœur de la multitude qui est rempli de trouble et de désordre. L’eau qui est trouble peut s’épurer ; mais si on ne la laisse pas reposer et qu’on la trouble sans cesse, elle ne pourra jamais devenir pure. E : L’expression cho-neng 孰能, « qui est-ce qui peut ? » sert à exhorter les hommes.


(11) E : Si l’on puise souvent de l’eau dans un puits, il ne manque pas de se troubler. Si un arbre est souvent transplanté, il ne manque pas de périr. Il en est de même de la nature et des affections de l’homme. Si nous déracinons nos affections, si nous réprimons nos pensées, alors les souillures et le trouble disparaîtront, et un éclat céleste viendra briller en nous. Si nous concentrons en nous-mêmes notre faculté de voir et d’entendre, alors nos esprits se calmeront, et nous naîtrons à la vie spirituelle. Si l’homme peut agir ainsi, de grossier qu’il était, il deviendra délié et subtil, et il ressemblera aux sages qui possédaient le Tao dans l’antiquité.

Aliter B : Qui est-ce qui peut calmer ses pensées longtemps agitées et les ramener peu à peu à leur état primitif ?


(12) E : Celui qui conserve ce Tao ne veut pas être plein. (Nous avons vu, dans le chapitre iv, que pou-ing 不盈 signifie « vide. » Il aime à être vide.) En effet, ce qui est plein ne peut durer longtemps (ne tarde pas à déborder). C’est ce que déteste le Tao (il aime à être vide). Le sage estime ce qui est usé, défectueux (au fig. c’est-à-dire aime à paraître rempli de défauts) ; les hommes du siècle estiment au contraire ce qui est neuf, nouvellement fait. Il ne veut pas être plein, c’est pourquoi il peut conserver ce qu’il a d’usé, de défectueux (en apparence), et ne désire pas d’être (brillant) comme une chose nouvellement faite. B : Le saint homme se dépouille de tout ce qu’il avait au dedans de lui, il n’y laisse pas une seule chose qui puisse le rattacher au monde matériel. C’est pourquoi le saint homme (cf. chap. lxx) se revêt d’habits grossiers et cache des perles