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livre pour matière et n’ai voulu regarder l’homme que par rapport au livre. Au contraire, les écrits qui sont proprement en dehors de la littérature, comme sont un journal traduit de l’allemand, des lettres demi-italiennes, et même certaines correspondances bien françaises, m’ont paru être de ces pièces à travers lesquelles l’intéressant était de voir les hommes, de les attraper dans leur individualité physique et morale.

Cette distinction, si je ne me trompe, a une réelle importance en matière d’histoire littéraire ; une question capitale de méthode y est engagée.

Lorsque l’on dit que l’objet de l’histoire et de la critique littéraire, bien entendus, doit être en fin de compte la description des individualités éminentes que toute recherche des causes ne détermine que partiellement, que le mouvement général de la littérature doit être tracé avec soin, plus encore pour faire apparaître ce qu’elles ont ajouté et transformé que ce qu’elles ont reçu, et qu’enfin la beauté essentielle des chefs-d’œuvre est presque toujours dans les apports du tempérament individuel en ce qu’il a de plus réfractaire à l’analyse, je crois qu’on a raison, et ce sont ces idées que j’ai quelquefois tâché de rendre[1]. Mais beaucoup de personnes prennent le change sur ce mot d’indivi-

  1. ’Histoire de la Littérature française, Avant-propos.