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HOMMES ET LIVRES

gens, dont beaucoup eurent du talent, je serais tenté de croire qu’il fallait quelque chose de plus qu’un homme. Il fallait que le temps et les révolutions fissent leur œuvre. Il fallait que le vocabulaire élégant, le style académique, le purisme grammatical, fussent détruits, que les salons et le goût des salons fussent emportés, que les moules, les formules, les règles et les genres fussent brisés, que la liberté de tout dire fût rendue et permît de tout penser et tout représenter. Non qu’il n’y eût dans ces choses destinées à périr beaucoup de bon. Mais en se fixant elles avaient perdu l’efficacité de soutiens, elles étaient devenues des gênes. Ce qu’elles avaient d’excellent était impérissable, et devait se retrouver dans des formes nouvelles, mieux adaptées au temps présent. La ruine de la société du XVIIIe siècle et le romantisme, voilà les deux conditions sans lesquelles la comédie ne pouvait renaître. Le romantisme n’a rien produit en fait de comédie mais il a déblayé le terrain et mis le talent de ceux qui viendraient après en état de produire. Alors, ce sont précisément les principes de Diderot qui se sont réalisés dans des œuvres que l’avenir classera, mais qui, certes, sont parfois originales et fortes. Les circonstances sociales et les habitudes littéraires en avaient suspendu la fécondité elle s’est manifestée tout entière, quand la société et la littérature eurent été renouvelées.