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l’époque romantique.

toujours servis par le talent oratoire, et les partis eux-mêmes seront loin d’être représentés ici selon leur force ou leur influence. Mais il ne faut chercher ici qu’une histoire littéraire.

Je ne puis prétendre à tracer même une sommaire esquisse du mouvement politique et social. Il me suffira de rappeler que les principaux débats engagés dans les Chambres de la Restauration ont porté sur la liberté des cultes et toutes les questions particulières qui y tenaient, sur les biens nationaux et l’indemnité des émigrés, sur la liberté de la presse, sur l’organisation du système électoral, sur les majorats, sur la guerre d’Espagne, sur toutes sortes d’applications ou d’interprétations de la Charte, et, au fond, toujours sur la question de savoir qui l’emporterait, de la Révolution, ou de l’ « absolutisme ». Sous la monarchie de Juillet, il s’est agi encore de lois électorales et de lois contre la presse, puis de lois sur les associations, et sur la liberté de l’enseignement, de l’Algérie et de la question d’Orient, etc.

En même temps que les orateurs des chambres, une foule de pamphlétaires et de journalistes agitaient les mêmes questions, pour exciter et diriger l’opinion. Mais les plus graves questions peut-être se discutaient hors des chambres, ou ne prenaient toute leur ampleur que dans des écrits théoriques et polémiques : ainsi la question religieuse ou la question sociale.


1. POLÉMISTES.


De tant d’hommes qui essayèrent par le journal ou le livre de combattre ou de développer les conséquences de la Révolution, quatre surtout, me semble-t-il, se distinguent par des dons originaux d’écrivains : Joseph de Maistre, Paul-Louis Courier, Lamennais et Proudhon.

Magistrat, d’une vieille famille de magistrats de Savoie, jeté hors de chez lui par la Révolution française qui annexa son pays, Joseph de Maistre [1], s’en alla à l’autre bout de l’Europe représenter

  1. Biographie : J. de Maistre (1754-1821), fils du président du sénat de Savoie, sénateur en 1788, se retira en 1792 à Lausanne, quand la Savoie devint française, résida de 1802 à 1816 à Saint-Pétersbourg comme ministre du roi de Sardaigne, dont il avait été d’abord grand chancelier en 1799. — Son frère Xavier de Maistre (1763-1852) a écrit le Voyage autour de ma chambre (1795) et le Lépreux de la cité d’Aoste (1811).

    Éditions : Considérations sur la France, Neuchâtel, 1790, in-8 ; Du Pape, Lyon, 1819 et 1821, 2 v. in-8 ; Soirées de Saint-Pétersbourg, ou Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence, Paris, 1821, 2 vol. in-8 ; De l’Église gallicane dans son rapport avec le souverain pontife, Paris, 1821, in-8. ; Œuvres, Lyon, 8 vol. in-8, 1864. ; Lettres et opuscules inédits, 1851, 2 vol. in-8 ; Mémoires politiques, 1858, in-8 ; Cor-