LIVRE V
CHAPITRE I
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE
Par le goût littéraire, le xviiie siècle est, ou se croit classique, continue, ou croit continuer le xviie siècle. Il s’en éloigne si bien, en réalité, qu’il aboutit à une révolution, et suscite le romantisme. Nous y avons déjà rencontré bien des choses qui étaient comme la préparation d’un avenir nouveau. Voici un écrivain qui semble se détacher tout à fait du passé. Bernardin de Saint-Pierre tient à Rousseau : mais il lui tient par tout ce qui séparait Rousseau de Voltaire et de l’école classique, par tout ce qui faisait de Rousseau l’ancêtre du romantisme. Bernardin de Saint-Pierre nous porte au point même où nous rencontrons Chateaubriand.
Ceux qui se figurent Bernardin de Saint-Pierre[1] d’après ses œuvres, se le représentent comme un suave bonhomme, au sourire angélique, à l’œil humide, les mains toujours ouvertes pour
- ↑ Biographie : Bernardin de Saint-Pierre naquit au Havre en 1737. Élève de l’École des ponts et chaussées, dès son premier emploi il se fait destituer pour son insubordination et sa susceptibilité. Il va servir à Malte, puis en Russie, d’où il passe en Pologne, manque d’aller en Sibérie, revient en France assiéger le ministère de solli-